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La requérante, née en 1981, était enceinte d'un foetus atteint de trisomie.
Si la loi polonaise de 1993 autorisait l'avortement en cas d'anomalie foetale, la Cour constitutionnelle l'avait toutefois jugée le 22 octobre 2020 incompatible avec la Constitution.
Cette décision, qui avait provoqué de vastes manifestations dans le pays, a pris effet seulement le 27 janvier 2021.
Or entre ces deux dates, le flou a régné sur l'incidence législative de l'arrêt. Par crainte de ne plus pouvoir avorter légalement dans son pays, la jeune femme, enceinte de 15 semaines au moment du prononcé de la Cour constitutionnelle, s'est rendue aux Pays-Bas, où la grossesse a été interrompue dans une clinique privée.
Les magistrats européens ont condamné la Pologne « à l'unanimité » pour violation du « droit au respect de la vie privée », garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, jugeant que la jeune femme a été « directement touchée » par l'évolution de la législation.
« La Cour juge, en particulier, que l'ingérence dans l'exercice de ses droits par la requérante a découlé de la situation de grande incertitude qui a régné entre le prononcé de l'arrêt de la Cour constitutionnelle, en 2020, et sa publication, en 2021 », incertitude aggravée « à la fois par l'absence de toute mesure transitoire et par la pandémie de Covid-19 en cours ».
La Pologne devra lui verser 1 495 euros pour dommage matériel et 15 000 euros pour dommage moral.
Un verdict très attendu
« C'est un jugement juste, le seul possible », a réagi auprès de l'AFP Natalia Broniarczyk, de l'ONG Aborcyjny Dream Team, en rappelant que chaque jour depuis la décision de la Cour constitutionnelle « au moins sept femmes se rendent dans une clinique étrangère pour une interruption de grossesse ».
« Nous saluons cette décision, mais nous sommes toujours désespérément en quête des fonds nécessaires pour soutenir les femmes qui nous appellent chaque jour », a déclaré Mara Clarke, de l'organisation « Supporting Abortions for Everyone » (SAFE).
Selon les chiffres officiels, moins de 900 avortements ont été pratiqués dans des hôpitaux l'année dernière dans ce pays de 38 millions d'habitants.
Fin 2023, la CEDH avait déjà condamnée Varsovie dans une affaire similaire.
La Pologne a des lois sur l'avortement parmi les plus restrictives d'Europe, et « aider à avorter » peut être puni de prison.
Quatre propositions visant à libéraliser la loi ont été soumises au parlement en 2023, après l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement de coalition pro-européen.
Celles-ci allaient de l'annulation de la décision de 2020 et de l'autorisation des avortements en cas de « malformations fœtales graves », à l'autorisation de l'avortement jusqu'à 12 semaines ou jusqu'à 24 semaines en cas de malformations.
Aucune d'entre elles n'a été adoptée, et le président conservateur-nationaliste Karol Nawrocki a déclaré qu'il opposerait son veto à toute mesure libéralisant les lois sur l'avortement.
La dernière des propositions a été faite par la gauche, membre de la coalition au pouvoir, avec une motion pour décriminaliser l'avortement.
Après la décision de la cour européenne, son porte-parole, Lukasz Michnik, a exprimé auprès de l'AFP jeudi l'espoir que « cela convaincra les partenaires et factions sceptiques de finalement décriminaliser » l'avortement.
Basée à Strasbourg, la CEDH est un tribunal chargé de statuer sur les violations de la Convention des droits de l'homme dans les 46 pays qui l'ont ratifiée.
Avec AFP
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