Deux euros par boîte de médocs, c’est pas ça qui va changer la face du monde. Ah bon, t’es sûr ?

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Les discussions budgétaires de l’automne ont en partie tourné autour du doublement des franchises médicales. Une mesure qui pourrait paraître indolore tant elle porte sur de petits montants, mais qui fait pourtant l’unanimité contre elle.

Deux euros par boîte de médocs, c’est pas ça qui va changer la face du monde. Ah bon, t’es sûr ?

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Quand on cherche à faire des économies, il est parfois plus efficace de gratter quelques sous sur des dépenses modestes mais répétées que de s’acharner à la hache sur celles qui coûtent le plus cher. Telle est la logique qui préside aux franchises médicales et aux participations forfaitaires, ces montants compris entre 1 et 4 euros qui restent à la charge des patients, même après remboursement par l’Assurance maladie et les complémentaires, sur les consultations, les boîtes de médicaments, les actes paramédicaux… 

Conscient de leur potentiel budgétaire, le Gouvernement a souhaité les doubler lors des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) cet automne. Si la mesure a finalement été abandonnée dans la version finale du texte, une chose est certaine : on n’a pas fini de parler des franchises médicales.

« Les franchises ont été créées en 2004, elles concernaient au départ les consultations ainsi que les examens de radiologie et de biologie, et étaient présentées comme un paiement citoyen, destiné à éviter de multiplier les actes inutiles, rappelle Féreuze Aziza, conseillère Assurance maladie chez France Assos Santé. Quand on voit la difficulté qu’il y a aujourd'hui à trouver un médecin, c’est assez ironique. » 

Déjà augmentées en 2024

Ces franchises étaient assorties d’un plafond annuel : elles ne pouvaient représenter plus de 50 euros par assuré et par an. Par la suite, le principe a été étendu aux boîtes de médicaments et aux actes paramédicaux, avec un autre plafond de 50 euros, et en 2024, les montants unitaires ont été doublés. « Les plafonds n’ont pas bougé, mais nous avons calculé qu’il y avait un impact de 15 à 20 euros, et des gens qui n’arrivaient pas au plafond y sont arrivés du fait de cette mesure », commente Féreuze Aziza.

Ce qui a mis le feu aux poudres cette année, c’est une double décision gouvernementale, annoncée à la fin de l’été : d’une part, les montants et les plafonds des franchises existantes allaient être doublés par voie réglementaire, et d’autre part, de nouvelles franchises allaient être créées via le PLFSS, notamment sur les dispositifs médicaux et le dentaire. 

La première mesure n’a pas besoin de validation, et « sera prise par décret si on en a besoin pour être en dessous des 20 milliards d’euros de déficit », a expliqué la ministre de la Santé Stéphanie Rist lors d’un rendez-vous avec l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS) en novembre dernier. Le sort de la mesure législative, quant à lui, a finalement été scellé au début du mois. 

« Un impôt sur les malades »

« Cela pose un vrai problème, notamment pour les patients qui sont en ALD [affection longue durée, NDLR] et qui sont déjà ceux qui ont le plus de reste à charge, s’indigne Féreuze Aziza. On s’éloigne des principes de la Sécurité sociale, selon lesquels ceux qui sont bien portants paient pour les autres : là, on fait contribuer davantage ceux qui sont malades. » 

Une lecture qui n’est pas uniquement celle des associations de patients. « On parle d’un doublement des franchises, mais c’est un élément de langage, il s’agit en réalité d’un quadruplement puisqu’elles avaient déjà doublé l’année dernière, souligne Dr Agnès Giannotti, présidente du syndicat MG France. Sur une consultation à 30 euros, 4 euros de franchise c’est énorme, surtout si on ajoute les 9 euros payés par les complémentaires : on arrive presque à la moitié d’une consultation qui n’est pas prise en charge, il y a un véritable désengagement, c’est l’impôt le plus injuste qui soit, un impôt sur les malades. »

Mais ces considérations ne semblent pas de nature à faire dévier le Gouvernement de sa ligne. « J’entends dire que le reste à charge des patients augmente, mais nous demeurons le pays où il est le plus bas », a fait valoir Stéphanie Rist lors de sa rencontre avec l’AJIS, ajoutant que les franchises épargnent les mineurs, les femmes enceintes, les patients relevant de l’aide médicale d’urgence (AMU)… 

La situation critique des finances publiques étant partie pour durer, on peut parier que, puisque l’extension des franchises a été chassée par la porte du PLFSS 2026, elle reviendra par la fenêtre du PLFSS 2027.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/la-lutte-contre-la-fraude-va-sauver-la-secu-ah-bon-tes-sur

Trois questions à Corinne Imbert, pharmacienne, sénatrice

On aurait pu s’attendre à voir Corinne Imbert, secrétaire de la commission des affaires sociales au Sénat (LR), défendre vigoureusement le doublement des franchises. Il n’en est rien.

What's up Doc : Comment voyez-vous la mesure de doublement et d’extension des franchises voulue par le Gouvernement ?

Corinne Imbert : C’est un changement de paradigme : les franchises étaient au départ une mesure de responsabilisation des patients, et on en fait une mesure de rendement, qui va rapporter 2,3 ou 2,4 milliards d’euros. C’est dévoyer les raisons pour lesquelles elles avaient été créées.

 

Votre mouvement politique n’est-il pas plutôt en faveur des franchises, dont il est à l’origine ?

CI. : Je n’étais pas parlementaire quand les franchises ont été créées, mais je pense qu’il s’agit d’un bon outil de responsabilisation. Cela étant dit, nous préférons la pertinence, l’efficience, plutôt que taxer les Français une fois de plus : pensez qu’on veut créer une participation financière pour une consultation dentaire, alors qu’on cherche au contraire, dans une logique de prévention, à inciter les gens à aller chez le dentiste tous les ans !

 

En tant que sénatrice LR, n’êtes-vous pas sensible aux efforts du Gouvernement pour résorber le déficit de l’Assurance maladie ?

CI. : Bien sûr, mais il faudrait déjà éviter de dépenser des millions sur des sujets de communication politique, comme les maisons « France Santé ». Et on peut envisager des mesures d’efficacité, comme la lutte contre l’iatrogénie, l’aide à la dispensation en pharmacie… Quand on cherche à faire des économies, il y a de la matière !

 

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