Quand les recos sont inapplicables : le pavé dans la mare de la HAS

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La Haute autorité de santé (HAS) a publié fin mars une lettre ouverte en forme de cri d’alarme : faute de moyens, la qualité des soins ne peut selon elle plus être assurée de manière satisfaisante sur l’ensemble du territoire. Le point avec la Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de l’institution.

Quand les recos sont inapplicables : le pavé dans la mare de la HAS

What’s up Doc : Pourquoi avoir choisi de publier une lettre ouverte alertant sur les dangers qui pèsent sur la qualité des soins ? S’agit-il d’un moyen d’expression habituel pour la HAS ?

Dominique Le Guludec : Non, ce n’est pas du tout habituel pour la HAS, qui publie tout un ensemble de productions faites par ses groupes de travail, mais qui ne s’exprime en général pas sous cette forme. Nous l’avons fait parce que nous avons des missions légales, à savoir la garantie et l’amélioration de la qualité des soins et des prises en charge, pour lesquelles nous sommes au quotidien en contact avec des professionnels de santé et des usagers qui nous alertent très fréquemment sur leurs difficultés à soigner et à se faire soigner. Bien que la HAS n’ait aucune mission de contrôle des politiques publiques, nous avons considéré qu’il était de notre devoir d’alerter.

Vous avez des mots forts dans ce texte, allant jusqu’à dire que les recommandations de bonne pratique « se heurtent régulièrement à la question de leur applicabilité ». N’est-ce pas un triste constat, pour l’institution chargée d’émettre ces recommandations ?

D. L.G. : C’est justement parce que nous considérons qu’il y a urgence que nous avons pris la parole. Nous savons tous qu’en cas d’AVC, par exemple, la rapidité de la prise en charge est déterminante pour les séquelles et la mortalité, or nous constatons que les délais d’intervention actuels entraînent des pertes de chance. Nous citons aussi dans notre lettre, qui n’est pas exhaustive car nous n’avons travaillé qu’à travers le prisme de nos missions, des exemples relatifs à l’insuffisance respiratoire chronique, à certains accompagnements dans le secteur médicosocial… Mais je tiens à dire ici que nous ne sommes pas là pour dégrader les recommandations en fonction des moyens disponibles. Nous n’avons pas à nous adapter à la pénurie.

Mais que répondez-vous aux professionnels de santé qui se trouvent actuellement dans des situations où le « gold standard » des recommandations est hors de leur portée ?

D. L.G. : J’entends cela, mais allez expliquer aux patients qu’il faut dégrader la qualité des soins pour s’adapter aux moyens ! Ce n’est pas acceptable ! Il est donc grand temps de mettre le paquet sur les métiers du soin. Il faut d’urgence un plan d’attractivité pour améliorer les revenus et les conditions d’exercice, pour redonner du temps avec les patients… Et à plus court terme, il y a également des solutions, qui doivent être pensées au niveau local, car elles ne seront pas forcément identiques en tout point du territoire : la téléconsultation, les formations accélérées, la coordination, le partage des tâches entre les différents métiers, les IPA [Infirmiers en pratique avancée, ndlr]…  Les solutions existent, et la HAS peut les accompagner, en s'assurant qu'elles préservent la qualité des soins.

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