Quand Didier encense Raoult

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Dans son autobiographie, le Pr Didier Raoult se présente en génie et héros des temps modernes et se refuse à tout mea-culpa quant à son attitude durant l’épidémie de Covid.

Quand Didier encense Raoult

Autobiographie de Didier Raoult, édition Michel Lafon

© DR

« Chez moi, le moi est effectivement surdimensionné ». Difficile de contredire cette affirmation du Pr Didier Raoult, extraite de son autobiographie parue le 6 avril, écrite à quatre mains avec le journaliste marseillais Hervé Vaudoit et sobrement intitulée Autobiographie. Sans doute le médecin le plus célèbre mais aussi le plus controversé de France, le microbiologiste marseillais, ancien directeur de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille et chantre de l’hydroxychloroquine, a multiplié les déclarations mégalomaniaques durant ces trois dernières années. Ni le fait que toutes ses affirmations (sur le traitement du Covid) aient été contredites par la quasi-totalité de la communauté scientifique, ni ses nombreux ennuis judiciaires, ni son départ à la retraite en septembre dernier, ne semblent avoir altéré la très haute image que Didier Raoult se fait de lui-même.

Se comparant à Galilée, le praticien multiplie les auto-éloges tout au long de son ouvrage. « Au moment où je suis entré dans la vie professionnelle, j’avais déjà conscience du potentiel hors du commun qui était le mien, même si j’avais attendu la préparation du concours de l’internat pour commencer d’en explorer les limites » n’hésite pas à écrire l’infectiologue, qui affirme en passant qu’il a un quotient intellectuel de 180. « Il m’a fallu attendre d’être étudiant en médecine et de toucher l’éthologie pour comprendre que cet intérêt que je suscitais malgré moi était sans aucun doute lié au fait que j’étais un mâle alpha ».

Quand Raoult cite Trotsky

Un génie apparemment contagieux puisque « dans le domaine des maladies infectieuses à Marseille, tous les professeurs en exercice ont été formés scientifiquement chez moi ». Un génie également héréditaire, Didier Raoult appartenant selon ses dires à une « famille de héros ».

Comme bien souvent chez les personnalités fortement imbues d’elles-mêmes, cela s’accompagne d’un certain mépris pour ses détracteurs, qui sont nombreux. Didier Raoult considère ainsi que les inspecteurs qui, ces dernières années, ont pointé du doigt les très nombreuses irrégularités à l’œuvre dans ses projets scientifiques et sa manière de gérer l’IHU, « n’ont strictement aucune compétence pour évaluer les unités de recherche du niveau de celles que nous avons à l’IHU ». « Nous réduire au silence, voire nous éliminer, c’était aussi visiblement la mission des différentes inspections envoyées à l’IHU depuis le début de la crise sanitaire ».

Le Pr Raoult, devenu désormais un paria dans la communauté scientifique, mais une star chez les complotistes et les antivaccins, tacle également les nombreux médecins qui ont publiquement critiqué son comportement, comme les Pr Karine Lacombe ou Jean-Paul Stahl. « Pendant que beaucoup de collègues faisaient de la politique sur les plateaux de télévision à Paris, nous avons continué à faire de la science à Marseille » ironise-t-il. « J’ai nommé un millier de microbes, dont tout le monde sait et saura que c’est nous qui les avons baptisés pendant que tous ceux qui m’ennuient auront disparu dans les poubelles de l’Histoire » lance-t-il, reprenant une célèbre formule de Léon Trotsky.

Le mystère du look du Pr Raoult enfin résolu

Après avoir consacré les premiers chapitres de son ouvrage à son enfance au Sénégal, où il se décrit comme un cancre et un enfant rétif à l’autorité se rêvant en marin, Didier Raoult en arrive au morceau de choix : celui de l’épidémie de Covid-19. Une période où « un vent de folie a soufflé dans les rangs de nos décideurs » et où il a acquis une « notoriété comparable à celles des artistes et sportifs de renom, parfois même désagréable ». Sur l’hydroxychloroquine, malgré les innombrables études scientifiques ayant prouvé l’inefficacité de ce produit contre le Covid-19 (et même sa potentielle dangerosité encore rappelée récemment par l’ANSES), le Pr Raoult persiste et signe : « nous avions bel et bien raison ». Si son traitement n’a pas été retenu, ce serait avant tout la faute des lobbys de l’industrie pharmaceutique. « La corruption est endémique, pas fantasmagorique » affirme le scientifique.

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Au final, l’autobiographie du Pr Raoult ne fera pas changer d’avis grand monde : elle confirmera son génie pour ses admirateurs, tandis que ses détracteurs y verront un nouveau signe de sa mégalomanie et de sa dérive. Son ouvrage permet au moins de résoudre un mystère, celle de son apparence, plutôt originale pour un professeur de médecine. « Tout simplement parce que cela plait à mon épouse : comme elle me préfère barbu avec des cheveux longs, sans montre luxueuse au poignet ni chaussures sur mesure aux pieds, je m’efforce depuis plus de 40 ans de répondre à ses désirs, plutôt qu’à ceux d’un ministre ». Au moins sait-on qu’il existe une personne dans ce monde que le Professeur Raoult souhaite impressionner.

Grégoire Griffard
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