Pépé en pente douce

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Ciné week-end: Floride, de P. Le Guay (sortie le 12 août 2015)

Pépé en pente douce

Il est impossible de détester Jean Rochefort. Le serait-ce, on ne le voudrait pas. Il est dès lors difficile de rejeter "Floride", puisqu'il y est omniprésent, et de belle manière. Un César ne serait d'ailleurs pas incongru. Et pourtant....

...à quand un film sur la vieillesse, et Alzheimer en particulier, qui ose regarder la fin de vie en face? Ici tout semble ripoliné et rempli d'inhibition, jusqu'au déni de ce que représente pour la plupart des gens cette période inéluctable.

A ce constat nous pourrions rattacher deux raisons, qui sont perceptibles particulièrement dans ce film:

- la peur bien sûr; du glauque principalement; ainsi le "vieux" sera-t-il issu d'un milieu aisé, évoluant souvent dans une belle demeure, aura-t-il eu un passé prestigieux, sera-t-il entouré d'enfants pas forcément compréhensifs, mais présents, ce qui est déjà beaucoup. Dans "Amour", Trintignant et Riva étaient certes filmés terriblement par Haneke, mais ils habitaient un appartement haussmannien immense et recevaient chez eux un pianiste mondialement connu. Comme si filmer le "vieux" dans un environnement banal, habituel, dans une pauvreté ou une solitude trop appuyées était insoutenable. L'anthropomorphisme propre à nombre de cinéastes bourgeois n'aide pas. 

-  mais aussi la difficulté à "faire jouer" sa propre vieillesse, sa possible déchéance en somme, à un acteur entré dans le quatrième âge. Comme si Le Guay filmant Rochefort se rendait compte tout à coup de la réalité de l'homme derrière l'acteur et, au dernier moment, s'empêchait d'utiliser ce matériau pour illustrer son film. Un respect et une sensibilité qui honorent le réalisateur (tout le monde n'est pas Zulawski pompant le sang de ses actrices pour en imprimer la pellicule) mais qui au final cantonnent Rochefort dans un rôle de papy extravagant à la dérive sur des courants pas trop forts...

Evidemment, on pourra arguer qu'il s'agit là d'une comédie, dans le registre doux-amer. Sûrement. Mais c'est du coup se priver de la singulière cruauté qui émanait de la pièce dont le film est tiré: "le Père", de Florian Zeller, qui vaut mieux que cette adaptation qui, sans Jean Rochefort, friserait le téléfilm de France 3.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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