Mémoire d'interne : "En psychiatrie on a parfois des échanges assez lunaires"

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Cheffe de clinique en psychiatrie à l’hôpital Sainte-Anne (Paris), le Dr Anne-Sophie Gallet, 32 ans, replonge dans ses souvenirs d'interne.

Mémoire d'interne : "En psychiatrie on a parfois des échanges assez lunaires"

WUD. Quel est ton premier souvenir d’interne ?

Anne-Sophie Gallet. Je me souviens du discours de mon chef le premier jour : « En tant qu’internes, vous êtes les médecins principaux des malades. On est là pour la supervision, mais on vous confie les patients à 100% ». Toutes ces responsabilités, dès le début, c’est vertigineux !

WUD. Et côté patients ?

A.-S. G. J’étais dans une unité spécialisée dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaire. Je me souviendrai toujours d’avoir vu les patients de l’unité entière (soit 20 lits, NDLR) réussir à rentrer dans l’ascenseur, conçu pour 8 adultes. Ce choc visuel confronte directement à la sévérité de la maladie.

WUD. Un souvenir de garde marquant ?

A.-S. G. Mes gardes les plus marquantes sont celles de mon clinicat… Ceci dit, en psychiatrie on a parfois des échanges assez lunaires. Comme ce patient un peu désinhibé qui répond à ma question : « Comment allez-vous ? » par : « C’est un vrai problème vos médicaments docteur. Je n’arrive pas à bander, même quand je vous vois ! ».

WUD. Qu’est-ce que tu as préféré pendant ton internat ?

A.-S. G. Ce que je trouve magique, c’est ce moment où le patient – ou sa famille – te dit qu’il va beaucoup mieux. Contrairement aux idées reçues, les soins en psychiatrie ont une réelle efficacité. Alors ce moment, quand un patient rentre chez lui, bien, après un temps de soins intensifs hospitaliers, je trouve ça toujours très émouvant.

WUD. C’est pour des moments comme ça que tu as choisi la psy ?

A.-S. G. Le choix de spé n’a pas été évident, car j’aimais tout, sauf la cardio ! J’ai adoré l’obstétrique, la chirurgie… Mais j’étais un peu frustrée de ne pas connaître l’histoire des patients. La psychiatrie m’a permis d’assouvir cette curiosité, tout en restant à ma place. J’avais peur du côté contemplatif que j’associais à cette spé, mais au final ce n’est pas du tout le cas.

WUD. Et ce qui a été le plus difficile ?

A.-S. G. J’ai eu du mal à trouver un équilibre entre travail et vie personnelle. Notamment ce stage super mais très prenant, pendant lequel je me séparais de mon copain. Je me donnais à fond toute la journée, puis m’effondrais en larmes dans l’ascenseur en partant à 21 h chaque soir… Très Grey’s Anatomy – et intense – !

WUD. Quel conseil donnerais-tu à la jeune Anne-Sophie qui commence son internat ?

A.-S. G. Il faut travailler, parce que ça sert aux patients. Et les malades d’abord ! Il faut les soigner comme on aimerait être soigné. Ce qui est génial avec le métier de psychiatre, c’est qu’il se bonifie avec l’âge… C’est comme le bon vin !
 

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