L'Ordre des médecins en proie au désordre financier et déontologique, selon la Cour des comptes

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Laxisme sur les abus sexuels de médecins, absence de poursuite dans le cas de conflits d'intérêts impliquant des médecins, frais en hausse... Un rapport provisoire de la Cour des comptes, dévoilé par le Canard enchainé, assassine le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom). 

L'Ordre des médecins en proie au désordre financier et déontologique, selon la Cour des comptes

L’édition de ce mercredi 27 février du Canard Enchainé est gratinée pour l’Ordre des médecins. Dans un article d’une demi-page, l’hebdomadaire satirique chronique un rapport de la Cour des comptes, pour le moment provisoire et pas rendu public, concernant le Cnom.
 

Tout y passe : laisser-aller sur les abus sexuels de médecins, hausse injustifiée des achats, indemnités dithyrambiques, népotisme, voyages somptueux payés par l’industrie… Parmi les plus graves accusations, le Canard relève une absence de poursuites du Cnom contre un médecin, visé en juillet 2014 par une plainte pour abus sexuel et placé sous contrôle judiciaire en novembre 2015 avec interdiction d’exercer la gynécologie. La situation de ce médecin avait été signalé au Cnom dès juin 2014, qui n’a apporté aucune suite administrative à ce cas… Le Canard relève également dans le rapport provisoire de la Cour des comptes une inflation des fournitures informatiques qui ont grimpé de 55% entre 2011 et 2017, pour atteindre la somme de 650 000 euros. Il n’y a pas que les dépenses informatiques qui sont en hausse : les indemnités des membres du conseil national grimpent aussi en flèche, de 33% depuis 2011.  « 16 membres du bureau ont touché au total plus de 1 million d’euros - les plus chanceux palpant jusqu’à 90 000 euros par an », écrit le Canard. Les liens parentaux semblent jouer un rôle primordial dans les promotions puisque « la fille et la nièce de deux élus nationaux ont ainsi bénéficié de promotions éclair ». Les sages de la rue Cambon s’étonnent également que, depuis la loi Bertrand de 2011 qui encadre les liens d’intérêts des médecins, aucun d’entre eux n’a jamais été poursuivi par le Cnom. En 2017, pourtant, 1,5 million de contrats ont été signés, et 200 millions d’euros encaissés par les médecins. 

Réponse vigoureuse du Com

 

La veille de la publication de cet article, le Cnom avait adressé à la presse une réponse vigoureuse aux accusations du Canard. Il conteste une augmentation des indemnités : l’enveloppe globale en hausse ne serait due qu’à un surcroit d’activités. Concernant l’absence de sanctions dans le cas de conflits d’intérêts impliquant des médecins, l’Ordre renvoie la balle au gouvernement, qui n’a toujours pas publié le décret d’application « permettant d’assurer le contrôle de toutes les déclarations de liens d’intérêt entre le corps médical et l’industrie de la santé ». 

Concernant les accusations de laxisme au sujet d’accusations d’abus sexuels, l’Ordre se dit pleinement engagé contre « le harcèlement et les abus sexuels dans le milieu médical ». « Dès que l’Ordre a connaissance de faits suffisamment précis et circonstanciés, il les transmet à la juridiction disciplinaire qui juge en toute indépendance », affirme le Cnom. Mais ne dit rien du cas présenté par le Canard. Il préfère accuser la justice de ne pas transmettre systématiquement à l’Ordre les plaintes pénales déposées à l’encontre des médecins. Tout en reconnaissant « que tous les échelons qui le composent doivent améliorer leur accueil des personnes qui se disent victimes ». Quant aux accusations de préférentisme familial dans le recrutement de ses salariés, l’Ordre préfère botter en touche en pratiquant une belle langue de bois : « Les contrats des salariés du Conseil national sont donc de droit privé et sont conclus conformément à la loi, dans le plus profond respect du droit du travail. » 

La Cour des comptes a également réagi, en déplorant « la publication par le Canard enchainé d’un article évoquant des observations provisoires sur le Conseil national de l’Ordre des médecins ». La CSMF a fait part de son effarement, dans un communiqué. « Si les faits s’avéraient exacts à l’issue de l’enquête définitive, ils seraient d’une extrême gravité et porteraient atteinte à l’honneur et à la probité de toute la profession médicale, que le Conseil de l’Ordre est censé défendre », a notamment déclaré la confédération médicale. 

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