Le tiers payant généralisé : une évidence sous conditions

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Le déficit des dépenses de santé se creuse et les inégalités de santé progressent. Ailleurs qu’en France, la non-avance d’argent est utilisée pour orienter les patients vers les soins de première ligne. Au final, ces pays contiennent mieux leurs dépenses de santé.
Qu’en penser ?

Le tiers payant généralisé : une évidence sous conditions

Nous continuons à orienter les demandes de soins vers l’hôpital où les interventions, même les plus banales, coûtent a minima 10 fois plus cher qu’en ville.

Paradoxalement, la prise en charge à l’hôpital coûte plus cher sans qu’on n’ait besoin d’en avancer les frais. Curieux, non ?

 

Le tiers payant généralisé aux professionnels de première ligne qui le souhaitent au sein des équipes de soins ambulatoires est une évidence : l’entrée dans le système de soins doit être facilitée non seulement parce que c’est un droit pour la population, mais également parce qu’il est moins coûteux d’intervenir au début d'une maladie plutôt que d'attendre son évolution.

 

Le tiers payant ne suffit pas à orienter les demandes de soins vers les soins primaires.

Les professionnels doivent s’organiser pour répondre facilement et simplement aux patients qui doivent savoir où s’adresser, quand et comment pour obtenir une réponse dans des délais adaptés.

 

Pour que cette annonce du tiers payant généralisé devienne une véritable mesure d’accès aux soins, plusieurs conditions doivent être réunies :

• le tiers payant s’entend avec un bon usage du système de santé et un recours en priorité au médecin traitant et aux équipes de santé de ville sauf urgence vitale. À charge pour ceux-ci d’organiser la continuité des soins, c’est-à-dire d’assurer une réponse aux demandes ;

• le tiers payant ne doit pas être un risque pour le professionnel, la garantie de paiement des actes réalisés est une absolue nécessité. Tenter, à travers un dispositif se voulant plus juste, de spolier une nouvelle fois les professionnels en baissant les rémunérations des moins rémunérés serait une faute. La comparaison avec d’autres pays de l'OCDE des moyens dévolus aux médecins généralistes (moins 50 à 100 % de dotation en France) explique la désaffectation de la médecine générale que chacun constate. Inutile d’en rajouter sous couvert de tiers payant ;

• le tiers payant ne doit pas être une contrainte supplémentaire. Force est de constater que la Ministre est restée floue sur les aspects techniques qu’elle n’aura sans doute pas à mettre en œuvre personnellement ;

• enfin, puisqu’il s’agit de favoriser l’accès aux soins, une mesure législative simple peut-être prise de façon à garantir au professionnel que chaque acte sera réglé a priori par la Sécurité sociale, laquelle récupérera la part complémentaire auprès de l’organisme compétent. Les éventuels contrôles, qui restent de droit, étant réalisés a posteriori.

 

Tout autre schéma serait voué à l’échec ; les professionnels auraient tout intérêt à s’en détourner.

 

Accepter le tiers payant généralisé sans en connaître toutes les modalités d’application ne doit pas faire partie de nos plans, car bien que cette mesure en elle-même soit juste, cela fragiliserait encore plus notre système de santé. Exigeons d’abord des précisions avant toute application !

 

* Martial Olivier-Koehret est médecin généraliste, auteur du blog « Panser la santé », ancien président du syndicat MG France et fondateur de l’association « Soins coordonnés».

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