La sagesse du conseil de l’ordre des médecins sur le sujet du pharmacien correspondant

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[La Chronique du Pharmacien] Un décret paru au JO le 30 mai autorise la mise en place du pharmacien correspondant. Ce dernier peut, dans un contexte d’exercice coordonné, renouveler voir modifier des traitements. Une nouvelle initiative modérée par le conseil de l’ordre des médecins.

La sagesse du conseil de l’ordre des médecins sur le sujet du pharmacien correspondant

Après la polémique autour du pharmacien « prescripteur »(chronique What’s up Doc du 30/05/2021), la profession se voit maintenant décerner un nouveau titre : celui de  pharmacien “correspondant”. 

Cette année 2021 est donc riche en nouveautés pour les spécialistes du médicament.  

En effet, la place dans notre système et le rôle du pharmacien connaissent depuis quelques mois de nombreuses nouveautés. Ce statut de correspondant vient un peu plus empiéter sur de nouveaux territoires comme la prescription médicamenteuse jusqu’alors chasse gardée des médecins. 

Cette nouvelle activité officialisée très récemment offre la possibilité de pouvoir renouveler et de modifier une prescription initiale selon la situation du patient. 

Mais je vous rassure tout de suite !  Vous n’allez pas (encore) perdre le monopole de la prescription et pour moi c’est plutôt rassurant. 

Je vous rappelle que nous sommes dans le pays du mille-feuille administratif et que donc toutes nouveautés se voient encadrées par des mesures de contrôle réglementaire. 

Cette activité de correspondant n’est en effet possible que si le patient a désigné au préalable son pharmacien auprès de l’assurance maladie. D’autre part, le médecin prescripteur initial doit également notifier sur l’ordonnance l’autorisation de renouvellement. Enfin, pour boucler la boucle, le pharmacien doit appartenir à un réseau d'exercice coordonné avec d’autres professionnels de santé. 

Donc rassurons-nous, ce n’est pas demain que les officines se transformeront en cabinet médical de prescription de médicaments. 

 

Mais bon, cette nouvelle activité pose quand même des questions sur les intentions de nos autorités de santé. Un récent communiqué de presse de l’ordre des médecins appelle même « à une réflexion globale plutôt qu’à une multiplication des mesures éparses ». Et je dois dire que je suis plutôt dans la même philosophie que l'institution. 

Depuis quelques années, la pharmacie d’officine s’est vue confier de nouvelles missions et cela est plutôt une vraie évolution de notre système de santé. Que le pharmacien d’officine (re)devienne un professionnel de santé plutôt qu’un commerçant est une volonté saine. D’autant plus qu’une majorité de la profession exerce dans cette philosophie au quotidien. Les nouveaux modes de rémunération des pharmacies imposent une réorientation de l’activité vers plus d’actes pharmaceutiques et moins de vente.

Cela a commencé avec les entretiens pharmaceutiques autour de pathologies comme le diabète ou l’asthme par exemple. Puis, les bilans de médication sont arrivés dans la continuité de ces consultations avec les patients. Ensuite, la vaccination antigrippale autorisée par les pharmaciens a encore fait évoluer le métier et le regard des patients. Et pour finir, nous nous sommes vus attribuer de nouvelles fonctions de prescripteur et de correspondant.

 

Néanmoins je reste relativement prudent vis-à-vis de toutes ces évolutions. Nous devons arrêter toutes ces nouveautés professionnelles, car à trop en faire la profession va se perdre. Les chiffres sont là pour le montrer. Les entretiens pharmaceutiques par exemple, qui constituaient vraiment un espoir de recentrer le pharmacien comme spécialiste du médicament, sont des échecs. Très peu d’officinaux jouent le jeu. Ils évoquent le manque de temps, le manque de formation, la complexité administrative du processus et bien sûr la rémunération inadaptée.

 

Le bon sens voudrait que les autorités fassent régulièrement des bilans de ces activités nouvelles mises en place. Ces points de parcours permettent de voir, chiffres à l’appui, la pertinence ou pas des actions. 

Une deuxième approche pourrait s'intéresser à ce que d’autres pays font dans le domaine de la sécurisation et de l'optimisation des médicaments. Les exemples de bonnes initiatives sont nombreuses à l’étranger où le pharmacien est au centre de la question du médicament. De plus, les résultats, notamment économiques, semblent être en faveur de ces organisations. N’ayons pas peur de « copier/coller »ce qui marche quitte à l’adapter à notre système. Et enfin, arrêtons ce mal français de vouloir toujours alourdir administrativement les nouveautés. En faisant de la sorte, les professionnels sont moins motivés à s’investir.

 

Le métier de pharmacien est en pleine mutation et cela est une bonne chose pour nos organisations. Mais, ces évolutions doivent se faire sur des bases solides et concertées avec l’ensemble des autres acteurs. Car au final, le seul qui sera ou pas le décideur c’est le patient. Et vous avez vu comme moi,  à aucun moment la place des malades n’est abordée alors que cette dernière devrait être centrale.

 

Source:

Décret n° 2021-685 du 28 mai 2021 relatif au pharmacien correspondant https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043558014

Communiqué de presse de l’ordre des médecins

https://www.conseil-national.medecin.fr/publications/communiques-presse/pharmaciens-correspondants

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