Idée n° 2 pour retrouver du temps médical : optimiser côté numérique

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Si on voit tous les avantages possibles de la dématérialisation et de l’automatisation des tâches, pour autant un certain nombre d’inconvénients leur sont liés. Nous avons rencontré Sylvain, chef de projet de télémédecine au sein d’un groupement d’intérêt public, et Juan Sebastián Suárez Valencia, médecin reconverti en geek.

 

Idée n° 2 pour retrouver du temps médical : optimiser côté numérique

Le retour d’expérience d’un tekos

Répondre aux besoins informatiques de la clinique, c’est très grossièrement le métier de Sylvain. Pas simple au quotidien : recensement des besoins, de l’interopérabilité, et d’autres bricoles qui peuvent impacter le nombre de clics et, par ricochet, le temps médical.

What’s up Doc : Pour un projet de télémédecine, les médecins travaillent main dans la main avec les tekos ?

Sylvain :  Concrètement dans un projet de télémedecine, on a plusieurs équipes qui interviennent. L’équipe dédiée aux usages va nous remonter tous les besoins des parties prenantes. À partir de ces données, on crée une fiche de qualification qui permet de décrire le projet. Ce dernier est soumis à validation à l’ARS. Quand tous les signaux sont au vert, on commence le déploiement du projet de télémédecine. Pour certains établissements, cela démarre par l’installation du serveur au sein de la structure, ensuite on crée les comptes utilisateurs, on les accompagne puis on les forme aux usages.

Rares sont les médecins qui n’utilisent pas plusieurs logiciels dans leur pratique quotidienne. L’interopérabilité, c’est le nerf de la guerre ? 

S. : L’interopérabilité consiste à ce que certaines données puissent être échangées entre plusieurs logiciels afin de faciliter le travail des médecins et des soignants. C’est par exemple arriver à faire que le compte rendu médical généré sur la plateforme de télémédecine puisse être automatiquement intégré dans le dossier patient informatisé (DPI) des différentes parties prenantes aussi bien du médecin requérant que du médecin requis. C’est assez lourd et compliqué par rapport à l’identification du patient. Et donc la difficulté c’est qu’un médecin expert, par exemple, peut travailler avec x plateformes différentes. 

C’est donc « l’identité nationale de santé » (INS), le point bloquant à l’interopérabilité ?

S. : Oui, principalement. Les discussions en cours concernant l’INS permettront sans doute aux éditeurs de solutions d’avancer sur ces chantiers d’interopérabilité. Aujourd’hui, tant que l’INS n’est pas complètement déployée, c’est un frein. L’INS est indispensable pour enregistrer le compte rendu d’un patient qui a fait l’objet d’une télé-expertise sur une plateforme donnée sur le DPI du médecin expert ou de l’établissement requis, alors que celui-ci n’est pas connu au sein de l’établissement. Si le patient n’a jamais été pris en charge dans l’établissement, il n’existe nulle part. Il faudrait donc pouvoir automatiquement créer un nouveau patient dans le système d’information.

Quels sont les reproches les plus récurrents des médecins utilisateurs ?

S. : On peut souvent nous reprocher le manque d’ergonomie pour le patient. L’authentification depuis un téléphone portable par exemple n’est pas hyper intuitive. Sinon, on nous remonte aussi parfois, l’impossibilité de signer des ordonnances directement sur la plateforme. Et on en a déjà parlé, le plus récurrent c’est le sujet de l’interopérabilité. On travaille sur ces points pour que les professionnels puissent continuer à travailler en transparence sur leurs outils métiers sans avoir à changer de logiciel pour lancer une visioconférence par exemple, ou échanger des documents entre confrères ou avec les patients. 

Le témoignage d’un médecin reconverti 

Ancien médecin, Juan Sebastián Suárez Valencia est passé du côté des éditeurs en proposant une solution d’automatisation des tâches administratives. Il nous explique la réalité hospitalière sur les usages du numérique. 

Vous êtes passé de médecin à startuper, que vous est-il arrivé ?

Juan Sebastián Suárez Valencia. Comme on peut le voir dans le contexte sanitaire actuel, travailler à l’hôpital c’est tout simplement l’angoisse. 

Quand vous étiez utilisateur de solutions numériques à l’hôpital, qu’est-ce qui vous dérangeait le plus ?

JS SV. : Honnêtement ? tout ! Quand j’essayais de faire les observations sur le logiciel de l’hôpital, mes chefs de clinique m’ordonnaient de ne pas le faire. Autre exemple, un jour j’ai tapé mes observations en ligne puis je les ai imprimées et mises dans le dossier patient. La cadre de santé est venue me voir le lendemain, pour me dire que l’infirmière n’avait pas tenu compte de mes observations : elles n’étaient pas imprimées sur la bonne couleur de papier. J’ai donc réimprimé les observations et je les ai collées sur la feuille verte. Voilà la réalité de terrain.

Au lieu de gagner du temps médical, vous en perdiez ?

JS SV. : Oui. Si je veux prescrire un médicament, je dois faire 40 clics ou pire, l’imprimer pour le faxer si je dois l’envoyer à une autre unité ou un autre établissement. Vous voyez l’absurdité ? La moitié des logiciels hospitaliers plantent si on les utilise sur un autre navigateur. Bref, les usages au quotidien sont pénibles. Il m’est arrivé parfois, sur 10 heures de travail, de ne consacrer que 45 minutes aux patients. 

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Pourquoi l’innovation a t-elle tant de mal à pénétrer le monde hospitalier ?

JS SV. : La vraie raison, c’est que les hôpitaux n’ont ni l’intérêt ni les fonds pour faire des logiciels qui répondent aux besoins des médecins. Cela ne rapporte pas d’argent tandis que la plupart des hôpitaux sont déjà en déficit. 

Du côté des médecins, ils ne sont pas technophiles pour la plupart et ils ont raison. Leur cœur de métier c’est prendre en charge les patients, plutôt que de passer plus de temps devant un écran. Quand j’ai commencé à commercialiser ma solution, je suis allé voir les hôpitaux et je leur ai dit que mon logiciel pourrait améliorer la vie des médecins. Cela n’intéressait personne.

Quelle approche avez-vous adoptée pour les convaincre ?

JS SV. :J’ai changé mon discours en expliquant que ma solution pouvait optimiser certains coûts et notamment améliorer le remboursement de certains actes par exemple. Là, ma solution a commencé à intéresser les établissements de santé. On se focalise sur les tâches administratives, la logistique, les remboursements, les commandes, etc. On essaye ainsi d’aligner les intérêts des hôpitaux avec ceux des professionnels de santé. In fine, on va arriver à aider les médecins au quotidien.

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