Dr Benjamin Memmi : « Au bloc opératoire autonome, la prise en charge est rapide, sans anesthésiste, le patient arrive debout et repart debout »

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À l’hôpital parisien des Quinze-Vingts, la chirurgie de la cataracte se fait en un temps record et sans sédation. Le Dr Benjamin Memmi, chef de clinique, nous ouvre les portes du bloc autonome, un circuit plus fluide, indépendant du parcours hospitalier classique, pensé pour simplifier la vie des patients... et des chirurgiens.

Dr Benjamin Memmi : « Au bloc opératoire autonome, la prise en charge est rapide, sans anesthésiste, le patient arrive debout et repart debout »

Dr Benjamin Memmi © Hôpital des Quinze-Vingts

What’s up Doc : C’est quoi le bloc autonome en chirurgie ophtalmologique ? 

Benjamin Memmi : C’est un bloc opératoire sans anesthésiste, avec uniquement un chirurgien, mais dans les mêmes conditions d’asepsie et de sécurité qu’un bloc classique. On a transformé une simple salle de consultation de l’hôpital des 15-20 en véritable bloc opératoire, en installant des cloisons en plexiglas mobiles et un système de ventilation. C’est un bloc mobile dans le sens où il est installable et désinstallable en deux jours, et peut être déplacé, si besoin, dans une autre salle. 


Comment est venue l’idée ? 

BM. : Par le constat qu’au bloc opératoire classique, le temps des chirurgies de la cataracte avait beaucoup diminué. On utilise de moins en moins de produits de sédation, car les patients sont demandeurs de ne pas être gardés trop longtemps. Petit à petit, on a commencé à s’en passer et à privilégier l’anesthésie locale en gouttes. Devant la satisfaction des patients à fonctionner ainsi, on a décidé d’instaurer un vrai parcours, avec un bloc qui serait dédié aux patients qui n’auraient pas de consultation d’anesthésie. Et ce, pour un certain nombre d’actes chirurgicaux que l’on a définis ensemble. 

« Le patient n’est pas à jeun, il arrive en marchant, repart en marchant et porte ses propres vêtements »


« Mobile », c’est donc voué à être utilisé ailleurs qu’à l’hôpital ? 

BM. : Pour l’instant, les différents systèmes de bloc autonome se trouvent dans les hôpitaux parisiens. Mais c’est un système complètement envisageable dans un cabinet de ville. Ce n’est pas possible actuellement, car pour certains actes de type cataracte, la présence d’anesthésiste dans la structure est obligatoire. Les tendances évoluent dans plusieurs pays européens, donc peut-être que cela verra le jour à l’avenir. 


Comment s’organise le parcours patient ? 

BM. : Comme il ne voit pas d’anesthésiste, le patient n’est pas à jeun. Il arrive en marchant, repart en marchant et porte ses propres vêtements. Il n’enfile qu’une surblouse et des sur chaussures. Cela ne pose pas de problèmes d’ordre hygiénique : des prélèvements sont faits régulièrement pour évaluer la qualité de l’air : ils reviennent tous conformes au niveau de « propreté » attendu dans un bloc général. 


C’est donc une grande avancée en chirurgie ambulatoire ?

BM. : Ce qui est intéressant, c’est de regarder l’évolution de la chirurgie au niveau de la cataracte. Il y a 25 ans, on hospitalisait les patients. Ensuite on s’est mis à faire de l’ambulatoire avec des anesthésistes, et maintenant, les patients restent à peine deux heures à l’hôpital. C’est une chirurgie de plus en plus maitrisée, avec des outils de plus en plus performants. C’est également avantageux au niveau des délais. Pour une cataracte standard, on passe de deux à trois mois d’attente à quelques semaines seulement.


Hormis la cataracte, à quels actes chirurgicaux est-ce destiné ?

BM. : On fait essentiellement des exérèses, des petites lésions de paupières, des cataractes et des greffes de membranes amniotiques. En revanche, on ne fait pas de chirurgies vitréo-rétiniennes ou de grosses chirurgies de la paupière.

« il n’y aucune différence avec le bloc classique, en termes de conditions d’opération et d’instruments »

Tous les patients sont éligibles à ce parcours ? 

BM. : Ils doivent remplir un questionnaire sur leurs antécédents médicaux et leurs traitements actuels. En fonction des réponses, on va quand même les orienter vers un circuit avec sédation. À terme, on aimerait automatiser, avec de l’IA, le tri des patients, entre ceux qui sont éligibles au bloc autonome et ceux qu’il est préférable d’orienter vers le circuit général. 


Justement, les patients n’ont pas peur d’être pris en charge « à la va vite » ?

BM. : Face à des patients excessivement stressés en consultation à l’évocation du geste, on va préférer le circuit avec anesthésie. Mais en réalité, la majorité d’entre eux sont très contents, car ils n’ont pas l’habitude des contextes opératoires, et n’ont donc pas vraiment de comparatif. Ils remarquent simplement que la prise en charge est beaucoup plus rapide et qu’ils peuvent manger. Pour être honnête, l’anxiété vient plutôt du chirurgien. 


C’est-à-dire ?

BM. : Les chirurgiens qui n’ont pas l’habitude du bloc autonome sont un peu décontenancés en voyant arriver le patient debout, et pas sur un brancard. Au début, ils peuvent être méfiants. Mais ils se rendent vite compte que c’est rapide, hyper confortable et que surtout, il n’y aucune différence avec le bloc classique, en termes de conditions d’opération et d’instruments. En plus, il y a même une fenêtre, contrairement au bloc classique ! Simplement, il est seul, sans anesthésiste, mais toujours avec un IBODE. De toutes façons, s’il y a quoi que ce soit, les anesthésistes ne sont pas loin.

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C’est un dispositif qui peut être envisageable en dehors de l’ophtalmologie ? 

BM. : Je pense. En tout cas, dans les stages que j’ai pu faire, notamment en chirurgie plastique, j’ai assisté à des prises en charge qui auraient très bien pu se faire dans ce contexte. Globalement, il faut que ce soit des chirurgies dans lesquelles il y a une bonne maîtrise de l’anesthésie locale, et qui ne présentent pas un gros risque infectieux. Les chirurgies digestives, par exemple, ne s’y prêtent pas. 

1 commentaire(s)
Alexandre L Ophtalmologie 26 juin 2025 18:26

Cela fait 30 ans que la cataracte s'opère sans anesthésiste, en ambulatoire et en sécurité, en France et en particulier à l' hôpital Foch, premier établissement à promouvoir et appliquer la méthode. Tout ce que notre collègue décrit est exact et son émerveillement devant la formule découle de l'inertie et le conformisme des structures administratives de soins incapables de sortir des corporatismes et habitudes. Dans une quinzaine d'années ce sera peut être diffusé ! Inutile de recourir à l'I.A. , regardez ce qui se fait: tout a été exploré.

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