Donner des Elles : «Les femmes médecins doivent se donner la capacité d’agir pour faire bouger les choses. Il faut qu’elles s’engagent !»

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La loi de novembre 2018, promeut l’égalité professionnelle dans la fonction publique. Reprise par la direction générale de la santé le 5 août 2021 pour la fonction publique hospitalière, elle peine à se mettre en place. L’association Donner des Elles, impliqué dans cette démarche accompagne et sensibilise les établissements de santé. Retour sur ce long chemin avec Catherine Auzimour, médecin et trésorière de Donner des Elles, et Coraline Hingray, psychiatre et secrétaire de Donner des Elles.

Donner des Elles : «Les femmes médecins doivent se donner la capacité d’agir pour faire bouger les choses. Il faut qu’elles s’engagent !»

What’s up doc : Qu’a rendu obligatoire cette loi, des quotas?

Catherine Auzimour et Coraline Hingray : Non, c’est plus une incitation à s’intéresser aux questions de parité et agir vers cela. Ce qui est obligatoire c’est de relever l’état des lieux de la situation : le nombre d’hommes et de femmes par spécialité, le niveau de salaire à poste égal. Une fois ceci effectué l’hôpital à pour responsabilité de proposer un plan d’action. Tous les hôpitaux auraient dû, avant décembre 2020, proposer un plan d’action pour deux ans maximum.

Qu’apporte Donner des Elles dans cette démarche ?

CA et CH : Il faut fédérer ! Nous aidons à réfléchir, nous poussons à cette collaboration entre les différents acteurs : le doyen, les médecins… La loi est assez vague sur la mise en œuvre. Il faut faire un bilan et un plan d’action mais elle ne précise pas pragmatiquement comment faire les choses. C’est à ce moment-là que l’on intervient, Donner des Elles donne un guide de recommandations pour décliner la démarche égalité et nous proposons des indicateurs pour évaluer les démarches.

Ceux sont eux qui viennent vers vous ou est-ce l’inverse ?

CA et CH : Un peu des deux. La première étape majeure, ce n’est pas d’aller avec notre bâton de pèlerin auprès de chacun, il y a beaucoup trop d’établissements. C’est d’abord de signer des partenariats avec les différentes structures hospitalières puis leurs établissements. Ces derniers vont devoir avoir un référent, ce qui est fou c’est que cela fait deux ans et ce n’est toujours pas le cas. Nous proposons de réunir ces référents pour travailler ensemble et s’inspirer les uns des autres. Pour vous citer un exemple très précis, nous avons signé un partenariat avec la FHF PACA. C’est symbolique mais c’est cette force de la symbolique qui fait qu’ensuite les établissements ont voulu signer une convention avec Donner des Elles. Nous avons aussi signé avec la conférence des DG de CHU et CH. C’est important les liens que l’on crées. C’est à ce moment que nous désirons sensibiliser. Une trentaine d’établissements ont signé une chartre avec nous.

Que mettez-vous concrètement en place pour les établissements ?

CA et CH : Nous sommes les facilitateurs. Nous aidons à structurer les groupes de travail, qui doit se mettre autour de la table. Je fais attention à la notion d’aide. La réalisation elle-même est faite par l’hôpital. Nous sommes une sorte de tierce personne qui voit ce qui se passe ailleurs.

Par exemple la chartre que l’on a signé le 8 mars avec le CHU de Tours à l’initiative de la DG, une femme, s’est faite entre le CHU, l’hôpital, l’université, le doyen de médecine et de pharmacie, le président de CME et le maire de Tours. Nous étions alors signataire témoin.

Quelles solutions pour la parité ?

CA et CH : Lors de la signature avec le CHU de Tours, le doyen qui a un rôle important dans les choix de postes a énoncé « depuis que j’ai été sensibilisé à cette question, j’ai pris conscience que le CHU de Tours ne respecte pas la parité. » Il a demandé à l’ensemble des collègues qu’il y ait 50 % de femmes. Résultat :  la nouvelle promotion compte 52% de femmes. Autre exemple on peut aussi imposer des quotas. La SFAR, la société savante d’une spécialité connue, où la littérature sur les inégalités entre les anesthésistes femme et homme est abondante, a décidé de prendre ça à bras le corps et est en train de mettre en place une charte qui mettra des quotas dans sa société savante. Elle a même lancé Donner des Elles à la SFAR. Je pourrais vous donner pleins d’autres actions concrètes. Il ne faut pas marcher par coercition. Il faut marcher dans l’aspect positif. Notre mot d’ordre c’est se mobiliser pour changer. Chaque pierre est utile.

Comment cela at-il été accueilli ?

CA et CH : Les hôpitaux sortent d’une période épouvantable.  Nous avons fait une présentation il y a trois semaines devant les DG de CH. Il y avait 70 personnes, un tiers de femmes à peine. Nous avons bien été reçu. Nous sentons qu’il y a une prise de conscience. La difficulté c’est qu’entre la prise de conscience et l’action, il y a un grand gap. C’est le vrai danger. Aujourd’hui lorsque vous interrogez les médecins ils ne sont pas capables de dire les actions mises en place dans leur hôpitaux. Chaque Hôpital doit en faire un axe de communication. Mais nous sommes globalement bien accueillies.

Sans cette loi, vous n’auriez pas été pris au sérieux ?

CA et CH : Nous ne sommes déjà pas assez pris au sérieux. Nous ne sommes pas là où on devrait être en 2022 sur la place des femmes dans les postes à responsabilité à l’hôpital. Il faut un changement de mentalité. C’est ca qui doit être le nerf de la guerre. Il faut que les femmes aient cette prise de conscience. Si nous regardons le barométre, elle n’y est pas. Il faut qu’elles se donnent la capacité d’agir pour faire bouger les choses. Il faut qu’elles s’engagent !

Quels sont vos projets futurs ?

CA et CH : Accompagner et discuter avec les établissements. Réussir à faire nos ateliers sur les thématiques de l’emploeyment et du softkills. Que les femmes médecins se rassurent en termes de réseau, mais aussi de culpabilité, d’équilibre de vie personnelle/ vie professionnelle. Si on ne fait rien, le mouvement naturel n’ira pas à l’égalité. Nous aimerions faire un atelier par mois. Nous faisons aussi un baromètre, le seul dans les hôpitaux. C’est un levier pour faire entendre notre voix. Nous souhaitons aussi faire une journée nationale en novembre. Un événement pour regrouper et consolider les acteurs de notre monde et de ceux qui agissent pour le faire bouger.

 

Les dates clés de la loi sur l'égalité professionnelle 

  • 30 novembre 2018 : accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique
  • 4 mai 2020 : décret définissant les modalités sur la mise en œuvre des plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle dans la fonction publique
    • Les premiers plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle devront être établis au plus tard au 31 décembre 2020
  • 5 août 2021 : instruction de la DGOS relative à la mise en place d'un(e) référent(e) Egalité au sein de la fonction publique hospitalière
    • Les établissements doivent se doter d’ un.e référent.e égalité au plus tard au 31 décembre 2021

 

 

 

 

 

 

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