Déficit à 41 milliards : ce que l’Assurance maladie envisage… et ce que ça va changer pour les médecins

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Face à un déficit annoncé à 41 milliards d’euros en 2030, l’Assurance maladie dévoile une série de mesures. Certaines concernent directement les médecins : sorties du 100 %, encadrement des arrêts de travail, interdiction de dépassements d'honoraires pour les dépistages...

Déficit à 41 milliards : ce que l’Assurance maladie envisage… et ce que ça va changer pour les médecins

© Midjourney x What's up Doc

Comment contenir un déficit annoncé à 41 milliards d’euros pour l’Assurance maladie en 2030 ? C’est la question à laquelle entend répondre le rapport « charges et produits » de la Cnam, présenté à la presse ce 24 juin. Bonus-malus sur l’absentéisme, fin du 100 % pour certains patients en rémission, interdiction de dépassements dans les actes de dépistage... Plusieurs pistes ciblent directement ou indirectement l’organisation des soins en ville et les pratiques des médecins.

Un déficit abyssal en ligne de mire

Le document, remis chaque année au gouvernement et au Parlement avant les débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), alerte d’abord : « Sans inflexion majeure, le déficit de l'Assurance maladie, estimé à 16 milliards d'euros pour 2025, pourrait se creuser encore davantage à horizon 2030 pour atteindre 41 milliards d'euros », peut-on y lire.

Les causes sont connues : « double effet du vieillissement de la population et de l'accroissement des pathologies chroniques », avec des dépenses atteignant 7 700 euros par an en moyenne pour les patients entre 80 et 89 ans.

« Nous sommes à un point de bascule », prévient Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, qui assume pourtant de signer « un rapport qui se veut et est optimiste ».

Une réorganisation possible du cadre ALD

Parmi les mesures les plus sensibles côté médecin : la possible sortie du dispositif ALD pour des patients considérés comme en rémission ou guéris.

Cela concernerait notamment les patients atteints de cancer en phase de rémission, pour lesquels la prise en charge à 100 % pourrait s’arrêter à l’avenir. Une décision qui pourrait impacter directement les prescriptions, les renouvellements de soins, et les discussions avec les patients.

Face aux critiques attendues, Thomas Fatôme a tenu à rassurer : « Il n'y a aucun désengagement ni de près ni de loin de l'Assurance maladie ». Et d’ajouter : « En cas de rechute, par exemple, le dispositif sera à nouveau déclenché ».

Vers une remise en cause du remboursement de certains actes

Le rapport recommande également de ne plus rembourser à 100 % certains produits ou prestations dont l’intérêt médical est jugé insuffisant, ou qui ne sont pas liés à une ALD. Cela inclurait les cures thermales, souvent prescrites mais au service médical rendu discuté.

France Assos Santé dénonce un « démantèlement de la qualité des soins au profit d'économies injustes et contre-productives ».

Des actes encadrés, des dépassements interdits

Autre signal fort aux médecins libéraux : le rapport propose d’interdire les dépassements d’honoraires pour les actes liés aux dépistages organisés, comme les mammographies, coloscopies ou échographies dans le cadre de campagnes nationales.

Objectif affiché : garantir un égal accès à la prévention, en évitant toute barrière économique.

La prévention comme levier central

Le mot revient tout au long du document : prévention. Elle est présentée comme un levier majeur, avec des chiffres parlants : « des changements d’habitude de vie peuvent influer sur 40 % des cancers », rappelle la Cnam.

Une prévention personnalisée pourrait s’activer via Mon espace santé, en mobilisant les données personnelles du patient, avec son accord.

Réduire les arrêts de travail : malus pour les uns, bonus pour les autres

Enfin, le rapport s’attaque à un autre levier sensible pour les médecins : les arrêts de travail.

« La dynamique des arrêts de travail n’est pas soutenable », avertit Thomas Fatôme. Et Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion de l’Assurance maladie, de poser la question : « Est-ce qu'à un moment donné, c'est à l'Assurance maladie de prendre en charge l'arrêt d'une personne qui est en conflit avec son employeur alors que ce n'est pas lié à une raison médicale ? »

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/chasse-aux-arrets-maladie-est-ce-encore-la-faute-des-medecins

L’idée serait donc de valoriser les entreprises qui investissent dans la prévention de l’absentéisme (bien-être, adaptation de poste…), via un bonus, tandis que celles qui n’agiraient pas pourraient subir un malus.

Thomas Fatôme précise : « Les entreprises qui se sont investies dans la prévention de l'absentéisme, notamment à court terme – bien-être au travail, adaptation du poste, etc. – on leur donnerait un bonus, et donc on réfléchit aussi à un système de malus ».

Autre piste : intégrer dans les arrêts de travail une liste des motifs et des durées associées, afin de mieux structurer la prise en charge et la régulation.

Une médicalisation renforcée des Ehpad

Enfin, le rapport évoque la nécessité de mieux médicaliser les Ehpad, notamment pour éviter les passages inutiles aux urgences. Actuellement, 32 % des résidents passent aux urgences, mais seulement la moitié sont hospitalisés ensuite.

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