Chasse aux arrêts maladie : est-ce (encore) la faute des médecins ?

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Alors que l’absentéisme explose dans les entreprises (+41 % depuis 2019), la pression se resserre une nouvelle fois sur les médecins libéraux. En ligne de mire : leur rôle dans la prescription des arrêts de travail, jugé par certains acteurs « trop complaisant ». Une affirmation qui divise, alors que la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) relance en juin sa campagne de contrôle ciblé des praticiens les plus prescripteurs.

Chasse aux arrêts maladie : est-ce (encore) la faute des médecins ?

© Midjourney x What's up Doc

Une inflation des arrêts, mais des causes multiples

Selon les derniers chiffres de la Drees et de la Cnam, les arrêts maladie ont coûté 10,2 milliards d’euros en 2023. Et même si les effets post-Covid ne sont plus en jeu, la tendance à la hausse se confirme, notamment pour les arrêts longs (plus de 6 mois) qui représentent seulement 7 % des arrêts mais 45 % des dépenses.

Cette progression inquiète le patronat. Début mai, le président du Medef, Patrick Martin, évoquait devant l’Assemblée nationale une « dérive » des arrêts maladie, dénonçant à demi-mot la « prodigalité » de certains médecins.

Les médecins sous surveillance renforcée

La Cnam ne dément pas. Sa réponse prend la forme d’une nouvelle campagne MSO-MSAP (Mise sous objectif-Mise sous accord préalable), visant cette fois les 10 % de généralistes les plus prescripteurs d’arrêts de travail. Environ 4 000 praticiens recevront un courrier les invitant à justifier leurs pratiques. Un ciblage jugé excessif par les syndicats, d’autant que certains médecins visés avaient déjà été placés sous objectifs dans le passé.

Mais la Cnam assume. « Nous avons une fonction de régulation », a défendu son directeur Thomas Fatôme, pointant que 40 % de la hausse des indemnités journalières (IJ) reste inexpliquée par les facteurs démographiques ou économiques. Et selon lui, les campagnes MSO-MSAP de 2023-2024 ont permis 160 millions d’euros d’économies.

Des abus réels… mais marginaux

Faut-il pour autant faire des généralistes les boucs émissaires de la dérive des IJ ? Pour René-Pierre Labarrière, président départemental de l’Ordre des médecins de Haute-Savoie, dans Capital,  la réponse est non. Oui, il existe des arrêts de complaisance, mais ils ne concerneraient qu’« environ 2 % des praticiens ». Et ces quelques « gros prescripteurs » sont déjà ciblés par l’Assurance maladie, qui peut aller jusqu’à demander le remboursement des IJ versées à tort.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/5-000-francais-en-arret-maladie-prives-de-leurs-indemnites-cause-dun-bug

La majorité des médecins rappellent que l’arrêt de travail reste un acte thérapeutique, au même titre qu’une prescription. Il doit être pensé, modulé, adapté. Et c’est là que le bât blesse : la rareté des aménagements de poste ou du temps partiel thérapeutique, encore trop peu mobilisé, pèse sur la pertinence des arrêts prescrits. Sans compter la pénurie de médecins du travail, qui rend souvent impossible tout dialogue interprofessionnel.

Une pression mal vécue par la profession

Les syndicats s’inquiètent de cette logique de contrôle, vécue comme stigmatisante, pour des médecins déjà sous tension. 

Certes, la Cnam assure vouloir « accompagner » les praticiens, notamment avec le service SOS IJ ou les entretiens confraternels. Mais le message reste flou : régulation ou répression ? Pour l’instant, ce sont toujours les médecins de premier recours qui sont ciblés.

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