Classement : la réputation des CHU et des spés : ça tient à quoi ?

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Certains internats et certaines spécialités sont boudés par les futurs internes plusieurs années de suite. Comment l’expliquer ? Comment se construisent la réputation d’un internat et l’attractivité d’une spécialité en 2022 ? Quels outils de com’ utilisent les CHU et les syndicats pour faire venir de nouvelles recrues ? On a pris le pouls du terrain.

 

Classement : la réputation des CHU et des spés : ça tient à quoi ?

«La reproduction sociale et les représentations collectives jouent à fond dans le choix des spés et des villes, à travers les classements publiés. On prend la spé et la ville qu’on peut avoir grâce à son rang, sans se poser trop de questions ».

Le constat de Thibaut Steinmetz, en charge des questions de formation à l’ISNI et interne de médecine du travail à Grenoble, est sans appel. Selon lui, le nombre d’internes usant du droit au remords pour changer de spé en cours de route en est la preuve.

« J’ai vu beaucoup d’internes autour de moi ayant choisi "une spé de rêve" dans "une ville de rêve" regretter totalement leur choix et faire jouer ensuite le droit au remords au bout de deux semestres », témoigne-t-il.

Depuis, il s’est emparé de cette question et mène un travail de recherche sur l’attractivité des carrières médicales. « Il y a encore beaucoup d’étudiants qui me disent qu’on dénigre auprès d’eux la médecine générale ». La médecine gé, toujours une sous- spécialité ; la médecine du travail, une spé pour les planqués ; la gériatrie, une spé ennuyeuse, etc. Les clichés ont la vie dure.

Heureusement, ces quasi-dogmes commencent à s’effriter : de (rares) internes très bien classés choisissent la médecine générale ou la médecine du travail. Ce qui ne manque pas de faire le buzz… « En 2021, on a fait le portrait de Marie, qui a choisi médecine générale en étant première aux ECN et ça a très bien marché. Ça parle beaucoup aux étudiants de lire ce que font les autres », raconte Marina Dusein, porte-parole à l’ISNAR-IMG et interne de médecine générale à Bordeaux.

Pour attirer les futurs médecins, l’ISNAR- IMG mise beaucoup sur ces portraits.

 

Webinaires, stories Insta et groupes WhatsApp

 

« Nous faisons beaucoup de com’ au moment des choix des internes. Et chaque année, nous diffusons un webinaire qui présente la médecine générale sur les réseaux sociaux. Il est disponible en direct sur Facebook, Youtube, Twitter et Instagram. On est aussi nouvellement présents sur LinkedIn. Encore un peu "vieux" en matière de réseaux sociaux nous utilisons toujours beaucoup Facebook, mais nous nous tournons de plus en plus vers Insta car les stories marchent très bien et sont partagées sur les deux réseaux sociaux », explique Marina

Dusein, qui souligne l’importance de scruter les statistiques pour savoir quelles publications ont fait le plus de vues. Alors qui s’occupe de tout ça à l’ISNAR ? « Une salariée spécialiste en communication et graphiste, qui nous aide notamment sur les graphiques et les visuels. C’est vrai que sinon, nous ça nous prend un temps fou sans forcément avoir des résultats à la hauteur », ajoute Marina.

De son côté, le Dr Lucas Reynaud, 32 ans, ex-président du Syndicat autonome des internes des Hospices civils de Lyon (SAIHL) et médecin urgentiste en Rhône-Alpes, reconnaît que la communication est aussi un enjeu majeur pour les syndicats locaux.

« Comment toucher le plus de monde et ne pas voir son mailing finir dans les spams ? Nos canaux officiels sont les e-mails et Facebook. Depuis peu, nous avons des comptes Twitter et Insta assez actifs. Mais le plus gros canal reste un groupe WhatsApp de bouche-à-oreille entre référents (qui réunit un interne/an/spé), soit une centaine d’internes avec qui nous communiquons au quotidien ». Un bureau des internes actif est aussi un sacré plus. « Beaucoup de villes « Beaucoup de villes n’en ont pas. À Lyon, on a la chance d’avoir 10-15 internes qui s’investissent chaque année et 2 employés administratifs qui gèrent l’événementiel et les réponses aux nombreuses questions des internes », ajoute Lucas Reynaud.

 

Les internes sont des jeunes (presque) comme les autres

 

L’emplacement géographique (proximité de la mer ou de la montagne, climat) et la taille de la ville jouent beaucoup sur la réputation d’un internat. Sans aucun levier à actionner ! Sur ces critères-là, certains internats d’excellente qualité pédagogique partent malheureusement perdants...

« L’héliotropisme des internes est important, mais la taille de la ville joue aussi : plus une ville est de grande taille avec une offre culturelle, sportive, etc., plus elle est attractive pour les jeunes », souligne Patrice Diot, doyen de la faculté de médecine de Tours.

Et il sait de quoi il parle. « Tours (21e) l’illustre à ses dépens car notre région souffre d’un manque d’attractivité. ». D’où l’accent mis dans sa faculté sur l’organisation et la qualité de l’enseignement, avec notamment des stages ambulatoires bien organisés (logements mis à disposition des internes, etc.), respect du temps de travail et bienveillance dans les relations hiérarchiques. D’autres CHU n’hésitent pas à employer les grands moyens, comme Angers qui, en 2015, avait créé un gros buzz avec sa campagne #Adopte1PUPH. Un peu d’humour pour attirer les internes, une bonne façon de dépoussiérer l’image de certains établissements.

 

Placer la qualité pédagogique au top des critères

 

Reste que l’impact des classements, comme celui publié par What’s up Doc chaque année, est questionné par certains. « Ces classements sont une chose, mais je pense qu’ils sont limités pour prendre en compte le critère de qualité de l’enseignement », estime Patrice Diot. Cet avis est partagé à l’ISNI, qui est en plein brainstorming pour concevoir un nouveau classement. « Notre objectif est un nouvel outil qui permettra d’aller vers une formation plus vertueuse, avec notamment des indicateurs sur la formation, les stages, la qualité de vie et le fonctionnement de la subdivision. On ne prendra pas en compte les aspects géographiques : la météo à Caen ou à Lille ne sont pas des facteurs modifiables ! », pointe Thibaut Steinmetz. Première parution annoncée pour juin 2022.

 

 

 

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