
Vicky Krieps et Emma Mackey dans Hot Milk de Rebecca Lenkiewicz.
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Un film d'apprentissage âpre au charme légèrement vénéneux, qui manque de robustesse scénaristique.
“J’enquête sur les symptômes de ma mère depuis aussi loin que je m’en souvienne. Si je me considère comme une détective accidentelle mue par un désir de justice, cela fait-il de sa maladie un crime non résolu ? Si oui, qui est le coupable et qui est la victime?” Par ces quelques mots, Deborah Levy installe clairement les enjeux de son roman Hot Milk, dont le film éponyme tente d'être l'adaptation fidèle. Cet aspect psychologique, celui de l'impact des secrets et traumas de famille sur la santé physique et psychique, est de loin le plus intéressant du film. L'origine du mal de Rose, impériale Fiona Shaw qui était peut-être la seule à pouvoir restituer ce mélange de dureté et d'effroi larvé, sera dévoilée progressivement, et est suffisamment puissante pour que puisse être maintenu l'intérêt du spectateur. Et ce, malgré le côté un peu pompier de la thérapie d'un Dr Gomez bien moins troublant qu'annoncé.
Fiona Shaw, Vicky Krieps et Emma Mackey se débattent dans ce premier film
Rebecca Lenkiewicz choisit cependant de mettre l'accent sur l'émancipation de Sofia plus que sur sa volonté de comprendre. Fruit de son époque, elle gomme une part de la complexité de leur relation en surlignant à la fois la toxicité de la mère et la soif de liberté d'Ingrid, l'Allemande que Sofia rencontre et avec qui elle va vivre une passion brûlante, soif plus libertine que libertarienne au demeurant. C'est le côté un peu kitsch du film, probablement lié au manque de conviction dans la puissance des corps, avec en particulier une Vicky Krieps mal à l'aise, plus gênée par un rôle mal écrit que par une réalisation qui, bien que classique, ne démérite pas.
Si elle échoue à doter son premier film de l'habileté que l'intrigue nécessitait, l’alourdissant d’éléments narratifs plus accumulés qu’agencés, Lenkiewicz s'avère en revanche capable d'installer une atmosphère saturée et de restituer le décalage de l'expatriation, dans une ambiance par moments onirique, entre le rêve et le délire fiévreux, celui qui confronte le corps et la psyché à leurs limites respectives et entremêlées. Elle est aidée en cela par la beauté pittoresque et hypnotique des paysages d'Almeria et par l'implication d'Emma Mackey, qui se livre avec conviction dans ce rôle d'herbe sauvage qui va arracher au forceps les conditions de sa liberté et qui, en se plaçant sous les auspices des personnages de Françoise Sagan, confère au film un aspect classique, presque désuet, loin de le le desservir.