What’s up Doc : Vous êtes urgentiste, gériatre, mais pas seulement. Racontez-nous ?
Évelyne Mage : J’ai fait mon internat en médecine générale, mais j’ai tout de suite été amenée à fréquenter d’autres services – néphro, cardio, réanimation… C’est grâce à cette diversité que je me suis orientée vers la médecine d’urgence. J’y ai exercé pendant une dizaine d’années avant de passer une capacité, cette fois-ci en gériatrie, car la prise en charge globale du patient m’a toujours attirée.
Vous avez également été médecin-pompier…
EL. : Effectivement, j’ai travaillé vingt-cinq ans chez les pompiers de Corrèze. Une opportunité rendue possible grâce à un contrat qui les liait à l’hôpital de Brive. J’ai notamment contribué à la mise en place, en 2013, d’un protocole autour de la chute de la personne âgée. Une procédure toujours d’actualité, partagée entre le Samu, les sapeurs-pompiers et les centres gériatriques.
Ce n’était pas trop dur de cumuler toutes ces casquettes ?
EL. : À l’époque, il n’y avait pas de repos compensateur. J’ai connu des 48 heures de garde d’affilée, du samedi matin au lundi matin, parfois plus ! On comptait très peu nos heures, ce qui diffère beaucoup d’aujourd’hui où presque chaque minute de travail est comptabilisée.
Vous trouvez que les jeunes hospitaliers se plaignent trop de leurs horaires ?
EL. : Ce n’est pas ce que je veux dire. Les choses ont changé : ce n’était ni la même patientèle, ni le même volume. À mon époque, le service n’accueillait que des urgences au sens strict. La médecine de ville était organisée et fonctionnait correctement, il y avait toujours un médecin de garde quelque part vers qui se tourner.
Faire 48 heures dans les conditions d’aujourd’hui, ce serait très dur. Je pense qu’il faut trouver le juste milieu, et évoluer dans un milieu avec lequel on se sent en phase.
« Quand je suis devant ma toile, les cadres se brisent : je n’ai rien à prouver, et n’attends rien de personne. Je me retrouve apaisée, c’est presque de l’art thérapeutique »
Et au milieu de tout cela, la peinture donc. C’est une passion récente ?
EL. : J’ai toujours eu une fibre artistique en moi, que je n’ai jamais vraiment exploité par manque de temps, en raison de la diversité de mon exercice. Cela dit, il y a une vingtaine d'années, une peintre m’a initiée à la peinture à l’huile, sans que je poursuive à l’époque.
Récemment, une de mes nièces, qui emménageait sur Brive, m’a demandée de lui peindre une toile pour décorer sa maison. J’étais assez surprise, n’ayant pas touché un pinceau depuis des années, mais j’ai acheté le matériel nécessaire et lui ai réalisé une toile. Cet exercice m’a énormément plu, au point que je n’ai plus arrêté. Avec le reste de peinture, j’ai repris d’anciennes toiles que j’ai recouvertes. Je me suis même attaquée à une vieille porte de placard en bois !
Comment décririez-vous votre art ?
EL. : Je travaille beaucoup à l’huile et un peu à l’encre de Chine. Pour l’une ou l’autre des techniques, je n’ai suivi aucun cours en dehors de cette initiation d’il y a vingt ans. À vrai dire, cela ne m’intéresse pas : j’ai déjà plein d’idées qui émergent naturellement, sans besoin de modèle. Ce que je peins ne relève d’aucune école et n’est sûrement pas très académique, mais c’est ainsi que je vois les choses. Au début, ça a commencé par un fond, des formes rondes. Puis, j’ai commencé à peindre des visages, des animaux. C’est assez varié, et très coloré.
Et vous ne vous êtes pas arrêtée depuis…
EL. : J’ai la chance d’être suivie, surtout depuis une exposition à l’automne dernier, puis plus récemment en janvier et février. Aujourd’hui, je partage aussi mes toiles sur mon compte Instagram.
À la maison, j’ai condamné la chambre d’amis pour en faire mon atelier. J’y passe du temps presque tous les soirs. Quand je peins, je me retrouve apaisée, c’est presque de l’art thérapeutique, en fait. Dans la vie, on doit rendre des comptes, que ce soit au travail, ou à la maison, en tant que femme, épouse, mère. Quand je suis devant ma toile, ces cadres se brisent : je n’ai rien à prouver, et n’attends rien de personne. Et si mon art plaît à quelqu’un, alors c’est la cerise sur le gâteau.
Vous direz que vos différents métiers médicaux ont influencé votre style de peinture ?
EL. : De toutes façons, il se retrouve dans mon art tout ce que j’ai connu dans ma vie. Et mon métier de médecin en fait naturellement partie. Peut-être que la douceur que j’espère avoir transmise à des patients, familles et aidants, se retrouve sur mes toiles. Peut-être que le côté relationnel de mes différents cadres professionnels y figure également. Mais il n’y a pas de référence explicite au monde médical : je ne peins pas des lits d’hôpital !
Et vous n’avez jamais envisagé d’exposer à l’hôpital ?
EL. : Pas pour le moment. En revanche, tous les mois, j’accroche au secrétariat de mon service de gériatrie une toile différente, choisie par les secrétaires. Cela permet d’égayer un peu leur espace de travail peu lumineux. Ce sont elles qui ont pris cette initiative et elles en sont ravies. Cette démarche a d’ailleurs été reprise dans un centre de kinésithérapie à proximité.
Mais en effet, j’essaye de faire entrer l’art dans l’établissement. Je suis actuellement en contact avec un sculpteur local pour qu’il m’aide à porter un projet d’art-culture, notamment à destination des personnes âgées.
Rechercher un classement
Emplois
Vous aimerez aussi
