Vies tranchées

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Ciné week-end : Cessez-le-feu, de E. Courcol (sortie le 19 avril 2017)

Vies tranchées

Georges, capitaine d'infanterie pendant la guerre de 14, tente de fuir les horreurs qui le hantent en s'exilant en Afrique noire. Suite au décès de Diofo, son fidèle second, il retourne dans son village natal et y retrouve un frère rendu muet suite à un psychotraumatisme et une mère cherchant activement la dépouille de son troisième fils... Un premier film romanesque et sensible qui tente de nous faire appréhender l'horreur de la Grande Guerre.

C'est une histoire de famille que nous conte Emmanuel Courcol, nous invitant à pénétrer l'intimité d'un foyer touché à divers niveaux par les déflagrations de la Première Guerre Mondiale, pour mieux accéder à une mémoire collective qui s'éteint inexorablement. La première séquence, à la fois brève et interminable, a pour but de retranscrire l'effroi traumatique en l'illustrant par le bombardement d'une tranchée. Il suffit de quelques images saturées de sons pour que cet enfer apocalyptique imprime notre mémoire. La suite du film s'appliquera à en décrire les séquelles.

Georges est un esprit brillant dont les valeurs humanistes se sont violemment heurtées à l'absurdité et à l'injustice de la guerre. L'Afrique devrait être une terre d'oubli, mais là-bas aussi la Grande Guerre a imprimé les esprits, notamment celui de Diofo, son second, qui troque les vestiges de leur combat en en rejouant les moments cruciaux de façon tragi-comique. Se refusant à la violence, Georges va y être confronté avec la mort de Diofo et n'aura plus d'échappatoire. Il choisit alors de rentrer au pays.

Chez lui, il retrouve Marcel, son frère aîné muré dans le silence et dont tout le vécu intérieur semble barricadé derrière une apparente bonhommie. Quant à sa mère, elle s'épuise à faire vivre une association refusant que soient interrompues les recherches et les identifications des soldats disparus. En confiant Marcel à Hélène, une ancienne infirmière de guerre ayant appris le langage des signes, elle tente de recréer un lien avec lui, pensant que c'est là un moyen de déverrouiller son mutisme protecteur. Georges fait la connaissance d'Hélène, aussi libre et rebelle que lui, mais celle-ci aspire à la paix tandis que lui en est incapable, et quand bien même sa colère et son refus de voir la vie reprendre son cours normal l'en empêcheraient. 

Ces vies brisées, ces esprits hantés qui tentent de se libérer des hurlements de leurs fantômes, ces traumatismes plus indirects également - ceux qui rappellent à une société qui tente de revivre et d'oublier que l'horreur est encore bien présente -, tous ces thèmes sont superbement brassés grâce à l'observation intelligente et empathique du réalisateur. Un beau devoir de mémoire....

Source:

Guillaume de la Chapelle

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