« Une volonté politique forte »

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Appelons-la Sofia. Aujourd’hui, cette quasi-jeune fille de 12 ans va bien. Cela aurait pu ne pas être le cas. En décembre 2009, lorsqu’on lui découvre un craniopharyngiome, cette petite Lyonnaise est orientée sur un Pr de renom parisien, officiant À Necker. Las !

« Une volonté politique forte »

Dans le secteur hospitalier public, ce ponte n’est pas disponible avant le mois d’avril. En privé, en revanche - 150 euros la consultation -, un créneau est libre le 6 janvier. Les parents de Sofia n’hésitent évidemment pas : ils optent pour le privé. A l’issue de cette consultation, une opération est programmée. A aucun moment, la secrétaire ne dira aux parents de Sofia que cette intervention peut être réalisée en « public », c’est-à-dire gratuitement. Elle annoncera juste le tarif… 7000 euros !

L’enfant, sauvée, a gagné de précieux mois. Il n’empêche. Traumatisée à l’idée de ce qui aurait pu se passer si elle avait choisie la filière publique, révoltée, surtout, pour tous ceux qui n’ont pas les mêmes moyens financiers qu’elle, sa mère finira par alerter une association de défense des patients.

Bien sûr, les Sofia ne courent pas les hôpitaux, et la plupart des dépassements d’honoraires facturés par des praticiens - en ville comme à l’hôpital - sont souvent raisonnables. Cette histoire hallucinante, qui se passe aujourd’hui, en France, montre néanmoins qu’une ligne jaune a été franchie : de plus en plus de malades, adultes mais aussi enfants, se voient proposer des délais d’attente plus courts, à condition de sortir le portefeuille. Une pratique aussi choquante qu’illégale. Les contrepouvoirs traditionnels (commissions d’activité libérale des hôpitaux, assurance-maladie, conseils de l’Ordre des médecins) ferment souvent les yeux, les uns et les autres se renvoyant la responsabilité en matière de sanctions.

Aujourd’hui, pourtant, le vent a tourné. La publication des honoraires engrangés par certains médecins stars (en plus de leur traitement public), a réveillé les consciences : pour deux demi-journées par semaine, les plus gourmands d’entre eux perçoivent jusqu’à 300, 400, voire 500 000 euros d’honoraires par an ! L’un des piliers de notre précieuse Sécurité sociale - la sacro sainte égalité d’accès aux soins - est en danger. Le seuil d’acceptabilité de la population, enfin, semble avoir été atteint.


C’est dans ce contexte que s’ouvre la négociation sensible sur les dépassements d’honoraires. Son enjeu est aussi simple dans son principe que complexe dans sa mise en œuvre : comment garantir aux patients transparence, traitement équitable et tarifs raisonnables, tout en garantissant aux professionnels de santé des honoraires « justes » au regard de l’acte médical pratiqué. Les solutions techniques ne manquent pas, elles seront sûrement âprement débattues.

Quelle que soit la voie choisie, aucune ne sera efficace sans volonté politique forte. C’est au gouvernement qu’il appartient de poser des garde-fous, de réaffirmer que les médecins, même vedettes, ne sont pas au-dessus des lois. Non que l’immense majorité d’entre eux soient hors-la-loi, au contraire. Mais s’en remettre à la seule bonne conscience de l’un ou de l’autre pour garantir les droits des malades serait le plus sûr moyen de laisser quelques indélicats discréditer toute une profession, hautement respectable.

 

*Odile Plichon est grand reporter au Parisien et auteur du Le livre noir des médecins stars (Stock) paru en mars 2012

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