Une place sous la lune

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Ciné week-end: Moonlight, de B. Jenkins (sortie le 1er février 2017)

Une place sous la lune

Trois moments dans la vie de Chiron, jeune enfant noir d'un quartier ravagé par la drogue, de la découverte de son homosexualité à son passage à l'âge adulte. Rarement coup de poing a été délivré avec autant de délicatesse....

 Auréolé du statut de sensation ciné de ce début d'année, Moonlight est un film qui tient ses promesses. En filmant ses trois acteurs, tous magnifiques, en captant leur regard, leur allure, leurs fêlures, et avec très peu de mots, Barry Jenkins a su déceler, et peut-être même créer, une communauté d'esprit entre eux, l'esprit de Chiron, cet enfant martyrisé par ses semblables en raison de sa différence et délaissé par une mère accro au crack qui sombrera dans la violence mais qui, grâce à des étincelles d'amour, trouvera peut-être sa rédemption...

Rarement ressemblance entre acteurs se partageant un rôle n'a été à la fois si évidente et si singulière. En refusant que ceux-ci se rencontrent pendant tout le tournage, Barry Jenkins touche à la magie de son métier, plus qu'aux artifices des transformations physiques si chères à Hollywood. La transformation physique est pourtant au coeur de l'histoire; car Chiron, pour échapper à son tragique destin d'éternel souffre-douleur, choisit d'effacer sa vie psychique - mais aussi sexuelle - au profit d'un mimétisme de caste. Mais, en voulant s'identifier à son père de substitution, dealer protecteur qui le premier l'accueillera dans sa singularité, Chiron laisse une place à l'enfant qui sommeille en lui, qui surgit parfois lors de ses rêves érotiques ou de ses cauchemars et qui finira par rejaillir lors de retrouvailles, filmées avec beaucoup de pudeur, avec son unique amour.

C'est cet enfant intérieur, qui est aussi celui de tout un chacun, qui irradie le film, avec toute sa souffrance et toute son innocence. Par-delà une construction identitaire basée sur la rage, le déni, l'artifice, ou tout cela à la fois, la persistance de cette part inchangée de nous-mêmes est pourtant, magnifique paradoxe, la seule porteuse d'espoir dans notre évolution. On ne change pas, chantait Céline Dion. On met juste des costumes d'autres sur soi. Mais tout près de l'apparence tremble un petit qui nous ressemble...

Source:

Guillaume de la Chapelle

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