Un médecin grec construit un camp cinq étoiles pour les réfugiés syriens

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Le Dr Nabil-Iosif Morad, médecin grec d’origine syrienne, est le maire de la ville d’Andravida-Kyllini (27 000 habitants). Il y a construit un camp pour les migrants dans un village de vacances abandonné. What’s up Doc l’a joint au téléphone.

Un médecin grec construit un camp cinq étoiles pour les réfugiés syriens

What’s up Doc. Comment le petit garçon de Homs que vous étiez est-il devenu médecin en Grèce ?

Nabil-Iosif Morad. J’ai quitté la Syrie pour les études : après trois années passées à Paris et Bruxelles, je suis parti en Bulgarie. C’est là que j’ai rencontré ma femme, une Grecque qui étudiait la médecine là-bas, comme moi. Quand j’ai obtenu mon diplôme, je me suis installé à dix kilomètres de son village d’origine.
 

WUD. Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir maire d’Andravida-Kyllini ?

NIM. J’ai pris la nationalité grecque en 2001, et j’ai même fait un service militaire de six mois dans l’armée grecque ! C’est à ce moment que j’ai commencé ma carrière politique. J’ai été candidat à plusieurs scrutins locaux, et en 2014, je suis devenu le premier maire d’une ville grecque à ne pas être né en Grèce.
 

WUD. Comment votre ville a-t-elle été touchée par la crise des réfugiés ?

NIM. Nous voyions tous ces gens qui prenaient la mer et qui arrivaient en Grèce sous la pluie, dans le froid, sans abri et sans nourriture. J’ai vu tellement d’enfants mourir… Il était impossible pour moi de considérer que ce n’était pas notre problème. Et ce n’est pas uniquement parce que je viens de Syrie.
 

WUD. Et que pouviez-vous faire concrètement ?

NIM. Nous avions cet endroit, le LM Resort, un village de vacances qui était fermé depuis six ans à cause de la crise économique. J’ai commencé à discuter avec tout le monde dans la commune, et nous avons décidé de céder le LM Resort à l’État pour y accueillir les réfugiés. C’est comme ça que le 30 mars dernier, sept bus sont arrivés chez nous avec 330 réfugiés à bord, dont 208 enfants. Nous fournissons l’endroit, et c’est l’État qui s’occupe de la nourriture, des soins, etc. J’avais insisté pour qu’ils ne soient pas trop nombreux, car je voulais être en mesure de leur offrir des conditions d’accueil décentes.
 

WUD. Comment ont réagi vos administrés ?

NIM. Il y avait des préjugés, certains font l’amalgame entre réfugiés, criminels, islamistes… Mais les gens me connaissent ici, ils me font confiance. Nous avons tout fait pour que cela se passe bien. Ce n’était pas facile : ces gens n’ont pas de nourriture, pas d’habits, beaucoup de problèmes psychiatriques… Mais avec le gouvernement, la Croix-Rouge, des amis médecins, nous sommes parvenus à améliorer les choses.
 

WUD. Comment vivez-vous cette situation personnellement ?

NIM. En tant que médecin, on est là pour aider. Quand je vais au LM Resort, j’aide pour tout : problèmes de santé, problèmes administratifs… Les gens sont très contents d’avoir affaire à quelqu’un qui parle leur langue. Au début, ils n’arrivaient pas à le croire.
 

WUD. Tout cela vous laisse-t-il le temps de pratiquer la médecine ?

NIM. J’essaie, mais il faut avouer que je n’ai pas beaucoup le temps. J’ai longtemps travaillé pour le système public, mais en 2010, avec la crise économique, il n’y avait plus d’argent pour payer le personnel de santé. J’ai donc ouvert un cabinet libéral, que j’ai conservé. Mais c’est difficile d’être à la fois maire et médecin.
 

WUD. Que deviennent les réfugiés du LM Resort ?

NIM. Vous savez, pour les réfugiés, la Grèce n’est qu’un pays de transit. Ils veulent aller ailleurs. Sur les 330 personnes arrivées en mars, certains sont au Portugal, en France, à Athènes. Il en reste 230 à Kyllini.
 

WUD. Justement, que pensez-vous de la politique de pays comme la France à l’égard des réfugiés ?

NIM. C’est une question difficile. Ce n’est pas seulement la France, mais tous les pays européens qui sont concernés. Il faut absolument mettre un terme à cette guerre absurde en Syrie. Si la guerre s’arrête, tous ces enfants pourront rentrer chez eux et continuer leur vie. Mais il y a autre chose. Je pense par exemple à une femme qui est là avec ses cinq enfants. Son mari est en Allemagne et les autorités ne l’autorisent pas à le rejoindre. Je pense qu’elle devrait pouvoir le retrouver. Les réfugiés doivent avoir la possibilité de partir dans d’autres pays européens.

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