Thomas Mesnier, député en marche rapide

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Élu député « La République en marche » à l’âge de 31 ans, le Dr Thomas Mesnier a rapidement pris du galon dans la galaxie macronienne : cet urgentiste charentais figure désormais parmi les personnalités qui comptent sur les sujets « santé » au sein de la majorité présidentielle. Rencontre avec un médecin qui brûle les étapes.

Thomas Mesnier, député en marche rapide

What's up Doc. L’année dernière, vous avez effectué votre rentrée parlementaire en charentaises. C’était une manière d’importer l’esprit carabin à l’Assemblée ?

Thomas Mesnier. (Rires). C’était surtout un clin d’oeil à la Manufacture charentaise, qui avait édité une paire tout spécialement pour le Festival du film francophone d’Angoulême. C’est un fleuron industriel qui est implanté juste à côté de ma circonscription, et qui est à lié à l’identité du département des Charentes. C’était un pari, et j’avoue que j’ai porté ces charentaises juste pour prendre la photo : j’ai rapidement remis mes chaussures habituelles. C’est vrai qu’il y a un petit côté carabin dans tout ça…

WUD. Comment le carabin que vous êtes donc toujours un peu s’est-il retrouvé à l’Assemblée nationale ?

TM. Cela s’est fait de manière assez naturelle. J’ai toujours été engagé dans les associations étudiantes. En première année de médecine, à Poitiers, je n’avais pas les moyens de me payer une prépa privée, et j’ai bénéficié du tutorat. L’année suivante, j’ai voulu rendre la pareille, et je me suis occupé du tutorat. L’année d’après, j’étais président de l’association, puis la suivante j’étais secrétaire général de l’Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France, NDLR). En parallèle, j’ai toujours été intéressé par la politique, et quand en 2016 Emmanuel Macron a lancé « En Marche », je me suis reconnu dans le côté associatif, transpartisan, progressiste, européen qu’il mettait en avant. Depuis que j’avais fini mes études, je n’avais plus d’engagement associatif, et j’ai foncé…

WUD. Cela fait de vous un militant, mais pas un député…

TM. Tout est allé très vite. Je me suis occupé de la « Grande Marche », une opération de porte-à-porte menée juste après le lancement d’En Marche, puis j’ai monté le comité En Marche d’Angoulême. Les responsables du mouvement semblaient contents de ce que je faisais, ils m’ont proposé d’être référent départemental, puis candidat à l’investiture pour les législatives. Pour des raisons personnelles, familiales, professionnelles, je me suis posé beaucoup de questions avant d’envoyer mon dossier pour l’investiture. Je me suis finalement lancé, et j’ai été élu.

WUD. Revenons un peu en arrière. D’où vous vient votre vocation médicale ?

TM. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être médecin. J’ai d’ailleurs retrouvé des cahiers d’école où je répondais à la traditionnelle question de début d’année : « Que voulez-vous faire plus tard ? ». Il n’y a pas une fois où je n’ai pas mis « médecin ». Il m’arrivait de mettre une spécialité, qui changeait d’ailleurs au fil des années. Mais la
médecine était une vocation.

Il y a des querelles de chapelle dans notre métier, et on en meurt

WUD. Et votre orientation vers la médecine d’urgence ?

TM. Dans mes cahiers d’écolier, je disais souvent « cardiologue », ou « chirurgien ». Mais vers la troisième année, je me suis fixé sur la médecine générale, pour le côté médecin de famille, la relation au long cours. Puis quand je suis passé aux urgences en deuxième semestre d’internat, ça a été le déclic. Le côté action, le côté travail d’équipe, le travail de jour comme de nuit… c’est un peu une deuxième famille, les urgences. Il y a aussi cette manière qu’on a d’aider les gens quand ils en ont le plus besoin. Même au cours d’une consult’ avec une personne que je ne reverrai plus jamais, j’aime arriver à créer un lien, à « matcher ».

WUD. Depuis que vous êtes élu, vous n’avez plus exercé ce métier qui vous tient tant à coeur ?

TM. Je prenais encore des gardes quelques jours avant le premier tour. Mais depuis, je suis en disponibilité. Ce serait mentir de dire que je n’ai jamais envie d’enfiler ma blouse. Il y a parfois un besoin presque physique d’un examen, d’un interrogatoire. Mais c’est très difficilement conciliable avec la vie de député. Urgentiste, ça prend beaucoup de temps, député aussi, et je ne sais pas faire les choses à moitié.

WUD. Pourtant, beaucoup de députés-médecins parviennent à conserver une activité, même réduite…

TM. Oui, mais ce sont essentiellement des gens qui ont des activités de consultation. La médecine d’urgence ne s’y prête pas, on ne peut pas faire une matinée toutes les trois semaines. Il faudrait faire des gardes, mais d’une part je ne saurais pas vraiment comment les caler avec un agenda qui bouge sans cesse, et d’autre part cela me priverait des quelques petites heures qui me restent pour profiter de ma fille de trois ans.

WUD. Vous faites donc une pause totale pendant au moins cinq ans. N’avez-vous pas peur d’être un peu déconnecté quand vous reprendrez la médecine ?

TM. Une pause presque totale : il m’arrive de faire le docteur à l’Assemblée (rires) ! Mais il est certain que la question se posera à un moment. Il y aura une période de reprise du rythme et de mise à jour des protocoles. Mais c’est comme ça. Pour l’instant, je me concentre sur le travail que j’ai à l’Assemblée.

WUD. Justement, vous avez mené trois missions parlementaires en deux ans, ce qui représente une charge de travail assez impressionnante. Pourquoi est-ce toujours sur vous que ça tombe ?

TM. Il faudrait demander à Agnès Buzyn et Édouard Philippe (rires) ! Au tout début, j’ai été rapporteur d’un petit texte sur les centres de santé, et cela s’est très bien passé. On m’a ensuite confié d’autres tâches. J’ai notamment été responsable politique pour le groupe En Marche du premier PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale, NDLR) du quinquennat. De fil en aiguille, on m’a donné une mission parlementaire, puis une deuxième, et maintenant une troisième. Je trouve cela très intéressant : c’est une façon d’être aux premières loges pour faire des propositions et influencer les dossiers en cours. S’il faut en relever d’autres, je le ferai avec plaisir.

J’ai une chance : le jour où j’en ai fini avec la politique, il me suffit de frapper à la porte de mon hôpital

WUD. Votre première mission concernait les soins non programmés, et certains avaient regretté qu’un sujet concernant la ville soit confié à un hospitalier. Qu’en dites-vous ?

TM. Ce n’est pas moi qui ai fait ce choix : on m’a confié la mission et j’ai été honoré de l’accepter. Je crois que le rapport a été plutôt bien accueilli, même si comme toujours, il y a eu quelques twittos un peu grincheux. Il y a des querelles de chapelle dans notre métier, et on en meurt : que ce soit entre les différentes professions de santé, ou à l’intérieur de la profession médicale, il faudrait qu’on arrive enfin à se dire qu’on a tous le même objectif, quelle que soit l’organisation dans laquelle on exerce. Il faudrait être capables de se parler un peu mieux, en regardant ce qui nous unit avant de regarder ce qui nous sépare.

WUD. Votre travail parlementaire a également été marqué par un amendement permettant aux pharmaciens de dispenser certains médicaments normalement sous prescription médicale obligatoire, ce qui vous a valu bien des critiques chez les médecins…

TM. Quand j’entends un président de syndicat de libéraux me critiquer là-dessus, sachant que deux mois avant, il disait dans un congrès de pharmaciens qu’il avait mis en place un protocole similaire dans sa propre maison de santé, je ris. Ce sont des postures syndicales. Énormément de gens font déjà ce que va mettre en place cet amendement, mais ils le font dans un cadre qui n’est pas sécurisé. Il est d’abord question de dégager du temps médical, et de reconnaître les compétences des autres professionnels de santé. Cela a bousculé certains corporatismes, mais je suis confiant. Je rappelle qu’il ne s’agit pas de prescription pharmaceutique mais de délivrance selon un protocole. Le texte ne rend d’ailleurs possible cette délivrance que dans le cadre d’un exercice coordonné, si le médecin et le pharmacien sont d’accord et s’ils suivent les recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé, NDLR), qui seront définies d’ici 2020.

WUD. Vous menez désormais une mission plus proche de votre métier, sur les urgences, dans un contexte très tendu. Comment expliquez-vous que votre spécialité soit toujours parmi les moins choisies ?

TM. Le métier d’urgentiste impose un rythme de vie particulier, des conditions d’exercice particulières, et il nécessite une grande fibre sociale. Pour le rendre plus attractif, il faut le faire connaître, et montrer le champ des possibles qu’il ouvre. Et il faut travailler pour changer les conditions, parce que des gardes de 24 heures, ce n’est plus possible au XXIe siècle. Je prône plutôt un rythme de 12 ou de 8 heures, pour une meilleure qualité de vie, et une meilleure qualité des soins. Si on veut que les urgentistes le restent toute leur vie, ce qui semble être l’objectif avec le nouveau DES de médecine d’urgence, il faut qu’on pose sur la table le sujet des conditions de travail des urgentistes. Ce sera l’un des points de la mission sur les urgences que je mène actuellement.

WUD. Et vous, vous vous voyez être urgentiste toute votre vie ?

TM. Je ne me ferme aucune porte, mais il est vrai qu’il m’est difficile d’imaginer faire des gardes de 24 heures jusqu’à ma retraite. Je sais que je pourrai switcher sur la médecine générale si à un moment j’en ai envie. Et je sais que ce ne sera plus le cas pour les jeunes avec le nouveau DES de médecine d’urgence.

WUD. Parlons pour finir d’un futur un peu moins éloigné. Pensez-vous que dans trois ans, vous pourriez vous sevrer totalement de la politique et reprendre votre poste à Angoulême ?

TM. Oui, très sincèrement, je n’ai aucune idée de ce que je ferai dans trois ans. Que je me représente ou non, cela ne m’empêchera pas d’être engagé, de travailler des sujets, de faire des notes pour La République en marche. Mais je dois reconnaître que j’ai une chance : le jour où j’en ai fini avec la politique, il me suffit de frapper à la porte de mon hôpital, d’arrêter ma disponibilité, et je reprends ma vie d’avant. Certains pourraient être tentés par des choix politiques plus consensuels, car ils ont besoin de leur poste. Ce n’est pas mon cas, et c’est un vrai luxe.
 

Bio Express
2006 : Secrétaire général de l’Anemf 
2013 : Urgentiste au CH d’Angoulême
2016 : Référent départemental d’En Marche en Charente
2017 : Député de la 1re circonscription de Charente
2018 : Mission parlementaire sur les soins non programmés
2019 : Mission parlementaire sur les urgences

Photo : Matthieu Brillard

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