Suzanne Noël – Chirurgie esthétique et sororité

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Leïla Slimani et Clément Oubrerie ont associé leurs talents pour raconter la vie de Suzanne Noël (1878-1954) en bande dessinée1. Une raison parmi dautres de compléter la série « médecine et féminisme » avec cette figure-clé de lhistoire de la chirurgie esthétique, une femme dont la carrière doit beaucoup à une rencontre déterminante avec Sarah Bernhardt, qui devint lune de ses patientes.

Suzanne Noël – Chirurgie esthétique et sororité

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Dans son ouvrage intitulé La Chirurgie esthétique, son rôle social (1926), Suzanne Noël raconte cette anecdote : « Une femme médecin serbe fut opérée par moi, un soir à 6 heures, en toilette de soirée, puisquelle dînait à lambassade à 8 heures. Elle eut un succès éblouissant, tous les invités qui la connaissaient attribuant sa plus parfaite beauté à ladmirable robe quelle portait. Le lendemain, elle partait pour Vienne, doù son mari médecin également me télégraphia quelques jours après : “Fils enlevés par moi, résultat merveilleux. Reconnaissance absolue.” »

Suzanne Noël a-t-elle participé à faire régner une forme d’exigence aliénante de beauté ? Peut-être. Peut-être pas. Comme elle l’explique dans son livre, elle a surtout fait en sorte que cette exigence de beauté ne soit pas une barrière infranchissable pour celles que la vie a rendues laides à leurs propres yeux. Elle a voulu réduire le désespoir en réparant des visages, visages déformés des gueules cassées, visages brisés des femmes dépressives, des ventres déformés par les grossesses.

En outre, comme l’écrit Marie-Claire Vallet2 : « Elle accueille les femmes de toutes conditions, directrices de maison de couture, mannequins, journalistes […], patientes démunies, employées, ouvrières, vendeuses, secrétaires, licenciées parce que jugées trop vieilles ou laides, quelle opère gracieusement ». En les faisant se réconcilier avec leur corps, Suzanne Noël a offert aux femmes qu’elle a soignées la possibilité d’être à nouveau actrices et maîtresses de leur vie. Cette sororité qui l’animait est toujours particulièrement vivace au sein du mouvement féministe Soroptimist International dont elle créa une section française en 1924.

Source:

1. Leila Slimani et Clément Oubrerie, À mains nues, Les Arènes, 2020-2021, 2 tomes.

2. Suzanne et Nous – Être au féminin, Regards croisés sur le docteur Suzanne Noël par Marie-Claire Vallet, Marianne Prévôt et Kymia, Annecy, Soroptimist International, Club d'Annecy, 2021.

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