Susan désespérément

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Critique de "Blackbird", de Roger Michell (sortie le 23 septembre 2020).

Susan désespérément
Lily est atteinte d'une maladie neurodégénérative à l'issue inéluctable. Avec l'aide de son mari, elle a décidé de mettre fin à ses jours. Elle en a informé sa famille qu'elle réunit pour un dernier week-end. C'est l'occasion pour chacun d'être au clair avec sa conscience... et surtout ses ambivalences. Telle une éclipse solaire, Susan Sarandon illumine de sa dignité ce drame scolaire et grisâtre.

Un autre film sur l'euthanasie. Sur de tels sujets, il est primordial d'avoir quelque chose de neuf à apporter, ou au moins de blinder sa narration. Roger Michell, lui, se contente de filmer un scénario de pièce de théâtre qui peine à décoller vraiment. On est dans le film de famille ultra-balisé, unité de lieu et de temps, une bonne moitié du film, beaucoup trop longue, installant lymphatiquement l'ensemble des personnages... Ce serait une série - on pense beaucoup à un Six Feet Under amputé totalement de son ironie - cette lenteur se comprendrait. Mais il ne se passe absolument rien jusqu'au premier coup d'éclat. Et l'on sait déjà que le réal doit se dépêcher de tout caser. Ce qu'il fait en installant beaucoup trop grossièrement les rebondissements nécessaires pour que l'on sorte enfin du consensus qu'il y avait à laisser mourir la cheffe de famille selon ses souhaits. 

Dans Juste la fin du monde ou Les invasions barbares, deux films d'une contrée voisine, l'enjeu était clairement posé depuis le début : arriver à annoncer sa mort imminente pour l'un, réussir à choisir sa fin de sa vie et sa mort pour l'autre. Dans Blackbird, on sait dès les premières minutes que Lily se fait assister par son mari, et que toute la famille est au courant du projet. L'enjeu scénaristique, ce sera pour plus tard. C'est dans une deuxième partie un peu plus enlevée que certains masques tomberont, frôlant parfois le vaudeville bourgeois. Un peu gênant. 

Les acteurs n'y sont pour rien, même si c'est l'une des premières fois où l'on voit Kate Winslet "jouer", comme encombrée par la mesquinerie de son personnage. Ils accompagnent au plus juste la partition qui leur est donnée, avec l'empathie requise face à la gravité de la situation. Susan Sarandon règne sur cette famille lézardée par les non-dits, hantée par la peur de la maladie, notamment psychiatrique, avec l'autorité et l'intelligence qui ont pavé sa carrière. Vêtue d'une robe de velours rouge, un sourire juvénile illuminant fugacement son visage façonné par les années, son lien de parenté - de cinéma bien entendu - avec  Catherine Deneuve saute aux yeux. Elles ont la même grâce altière, le même œil pétillant qui ne fait que renforcer leur sagesse. Réunies dès le film-culte Les Prédateurs, c'est comme si elles prenaient enfin, ensemble, le même chemin. Et l'on meurt d'envie qu'il soit encore long, et que l'on puisse continuer à les suivre autant que possible...

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