Sujet migrant

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Ciné week-end: Dheepan, de J. Audiard (sortie le 26 août 2015)

Sujet migrant

Auréolé de sa Palme d'Or, le nouveau film de Jacques Audiard possède d'emblée un handicap de taille: présenté avant Cannes comme un pari risqué et audacieux, sa récompense le place à présent comme une oeuvre ambitieuse représentant l'aboutissement du parcours sans faute d'un alchimiste du cinéma. Au risque de transformer l'or en plomb... On n'ira pas jusque là, mais oui, il faut reconnaître que "Dheepan" déçoit un peu.

Film touffu, il démarre pourtant de façon saisissante, plein de belles promesses, en nous proposant de nous égarer avec trois réfugiés tamouls qui se retrouvent presque par hasard sur le sol français, unis par la fausse identité qu'ils ont dû endosser pour pouvoir quitter le Sri Lanka plus facilement. Belle idée que de les avoir doublement coupés de leurs racines, géographiques et familiales. Cette entrée en matière est d'autant plus sidérante - au sens psy du terme - qu'elle est d'une actualité on ne peut plus brûlante. La force d'Audiard est décidément le choix de ses sujets, presque toujours le reflet parfait, voire anticipé, de leur époque.

Et pourtant le scénario va s'égarer quelque peu. On pourrait dire qu'il illustre la destinée du migrant, condamné à errer d'exil en exil, à bifurquer quand une opportunité se présente à lui. C'est un peu le chemin sur lequel le réalisateur s'est - volontairement? - laissé embarquer, abordant, sans vraiment les aboutir, des thèmes aussi divers que l'intégration, la construction de l'identité familiale, le western social ou la résurgence post-traumatique. On peut trouver que c'est un tour de force. On peut aussi regretter les facilités auxquelles succombe par moments Audiard, la faiblesse des scènes censées décrire le parcours administratif du réfugié (la préfecture, l'école...) et la perpétuelle et agaçante fascination pour la "racaille" de banlieue...

Heureusement demeure la puissance des personnages qu'Audiard filme au plus près de leurs tourments sans que jamais ils ne se déparent de leur mystère. Savent-ils où ils vont? Sait-on vraiment ce qui les habite? Merveilleuses scènes où on les voit subir en silence, puis exploser sous le poids de leurs traumas. Rien que pour cela, "Dheepan" est un film à découvrir.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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