SimLife, bienvenue à Zombieland

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Grâce à une équipe de chirurgiens viscéraux de Poitiers, la simu chirurgicale passe au niveau supérieur avec des cadavres revascularisés et ventilés adaptatifs ! La technique, encore en phase de perfectionnement, obtient des premiers retours enthousiastes.

SimLife, bienvenue à Zombieland

Les modules haute-fidélité peuvent aller se rhabiller, la simulation hyperréaliste en chirurgie est arrivée ! SimLife repose sur l’utilisation de corps frais préparés, perfusés par une pompe injectant du liquide dans la circulation de manière pulsatile, et ventilés comme des patients (vivants). L’équipe du laboratoire d’anatomie, biomécanique et simulation du CHU de Poitiers, sous la direction du Pr Jean-Pierre Richer, travaille depuis trois ans sur ce projet.

« Les internes sont formés sur pelvi-trainers et animaux avant d’opérer, mais on est très loin du bloc, il manque une étape », explique le Pr Jean-Pierre Faure, co-responsable de l'école de chirurgie de l'Université de Poitiers. Quant à la dissection sur cadavre, elle n’est pas considérée comme de la simulation : c’est l’apprentissage de l’anatomie de base, car l’état des tissus ne correspond pas à la réalité d’un chirurgien. « Une simulation avec SimLife, c’est un peu la grand-messe de la répétition générale pour un jeune ! », ajoute le PU-PH.

L’avis de l’interne

Clément était en cinquième semestre d’urologie quand il a testé SimLife, sur un scénario de prélèvement foie-reins. Il avait bien sûr déjà assisté à des prélèvements multi-organes, mais n’avait jamais été THE premier opérateur sur une chirurgie ouverte. Lors de sa séance de simulation, il a tout fait, de l’incision à la fermeture, assisté par un chirurgien formateur qui jouait le rôle d’aide-op’. Il a été impressionné par la vraisemblance du modèle : des tissus chauds, des plans respectés, pulsatiles…

« En plus, il faut apprendre à gérer son équipe, se faire aider, prendre des décisions, anticiper la chronologie », se souvient-il. « Une fois qu’on l’a fait, si on a oublié quelque chose par exemple, on ne l’oubliera plus, c’est ancré. » D’où l’intérêt et l’importance d’utiliser SimLife vers la fin de la formation, pour des internes déjà à l’aise sur les procédures, ou pour de jeunes chefs.

En avance sur les Américains !

Des équipes américaines utilisent depuis 2001 des cadavres humains reperfusés, mais sans pulsatilité ni adaptation hémodynamique ou respiratoire possible. Alors que dans le labo de Poitiers, un « biomécanicien », le Dr Cyril Brèque, a mis au point LA pompe, coeur du système SimLife et modèle breveté. Pour le sang artificiel, des étudiants de M1 en stage au labo testent actuellement des recettes pour améliorer la viscosité et la texture.

La modularité de SimLife est l’un de ses points forts. « Toutes les applications pratiques du modèle ne sont pas encore définies, on est en phase de développement et d’évaluation », souligne Jean-Pierre Faure. Pour l’instant, il est validé au plan national pour le remplacement des valves aortiques et pour les prélèvements d’organes. La collaboration avec l’École francophone de prélèvement multi-organe (EFPMO) a en effet débuté très tôt dans le projet et permis de faire évoluer la technique. La prochaine étape est l’industrialisation et la miniaturisation du système, avec la mise en place de commandes tactiles via une tablette pour modifier les paramètres en temps réel.

Un peu cher tout de même

Le principal point faible de SimLife, c’est son prix. Jean-Pierre Faure le reconnaît : « Le protocole de préparation des corps est long, minutieux et encore assez coûteux. » Mais avec un corps, il est possible de faire plusieurs séances successives sur différentes zones. Une autre limite est liée au nombre de corps disponibles qui proviennent du Centre de don des corps, d’autant que certains ne peuvent pas être utilisés étant en trop mauvais état de conservation.

L’invasion des zombies n’est pas pour tout de suite ! 

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La recette de SimLife

Ingrédients :  un corps frais, un préparateur qualifié, un système de branchement et une pompe SimLife, du matériel chirurgical.
Opérateurs : des chirurgiens seniors formateurs en simulation, des internes et une Ibode.
Coût : environ 2 000 € par session (deux jours).
Réalisation :
1-
Préparez rapidement un corps frais dès son arrivée (trois heures pour une personne entraînée), avant de le congeler.
2-Décongelez lentement (sur 3 jours).
3-Le deuxième jour, les membres peuvent déjà être utilisés par les orthopédistes pour de l’arthroscopie
4-Une fois à température ambiante, branchez des canules sur les gros vaisseaux que vous aurez exposés, remplissez de sang artificiel à 37 °C, et lancez la pompe SimLife.
5-Pour plus de réalisme intubez et ventilez.
6-Les séances de simu en équipes peuvent commencer, dans la bonne humeur qui caractérise un bloc opératoire (ou dans le stress pour corser l’exercice)
7-Le premier geste peut être de la chirurgie bariatrique, le second une néphrectomie bilatérale, le dernier de la chirurgie cardiaque. Les gestes d’abord du rachis lombaire par voie antérieure et de chimiothérapie intra-abdominale font partie des options possibles. (Attention, en cas de plaie vasculaire le sang gicle, et si la brèche n’est pas refermée assez rapidement, la tension chute jusqu’à ce que mort s’ensuive - enfin, dézombification)
FINISH !!! À la fin de la séance, débriefez vidéos à l’appui, comme dans toute bonne simulation !

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