SEP by step

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Critique de "Rosy", de Marine Barnérias (sortie le 5 janvier 2022)

SEP by step

Une jeune étudiante se découvre atteinte de sclérose en plaques suite à une baisse brutale de l'acuité visuelle. Elle décide alors de faire un voyage initiatique afin de se découvrir elle-même et, peut-être, d'accepter cette maladie insidieuse. Un parcours percutant, une leçon de vie qui force - parfois un peu trop - le respect. 

C'est un documentaire mais c'est avant tout un autoportrait. Il n'y a pas de bonne façon d'apprendre que l'on est malade, mais la violence avec laquelle est asséné son diagnostic de SEP à Marine Barnérias ne peut que nous remettre en question. Il a dû en falloir, du caractère, à cette jeune étudiante, pour composer avec ce bouleversement, mais aussi toute l'appréhension qu'il y a à ne pas savoir quand et comment les poussées de cette maladie auto-immune surviendront. Pour composer également avec un traitement pour lequel elle ne se sent pas prête. Ayant l'intuition que, pour ne pas être réduite à une maladie, elle doit être entendue et comprise par ses médecins, et que ceci n'est possible que si elle se découvre déjà elle-même, elle décide d'entreprendre un voyage initiatique. Avec ses armes d'étudiante en école de commerce, qui transparaissent clairement dans la formalisation de son projet, elle part en Nouvelle-Zélande, en Birmanie puis en Mongolie avec pour objectif d'écouter son corps, de le réconcilier avec son esprit et de s'ouvrir au monde. 

C'est ce parcours qui est l'aspect central, et le plus intéressant, du film. Marine Barnérias a un vrai discours sur sa maladie, sur ce qu'elle lui fait vivre, entre dépossession de soi et opportunité de se repenser, de se reconditionner, peut-être de s'accomplir. A mesure que le film, fait d'extraits de ses vidéos de voyage, se déroule, à mesure qu'elle vit l'expérience qu'elle a anticipée, nous la voyons changer, évoluer, atteindre les états auxquels elle souhaitait parvenir, sans pour autant se départir de ce qui fait sa personnalité, entre enthousiasme et exubérance, en force certes, mais comment être autrement qu'en résistance quand on est ainsi confronté, et si jeune, à une maladie chronique imprévisible ? Maladie qu'elle finira par apprivoiser et même par nommer, cette fameuse Rosy avec qui elle est contrainte de cohabiter. Cette évolution par l'expérimentation est extrêmement bien retranscrite, particulièrement pertinente, source d'inspiration pour des personnes soumises à de tels événements de vie. 

Concernant la forme, alors que l'on voit la partie "reportage" du film passer d'une position extrêmement subjective - en mode "journal intime" - à une capacité d'observation, de partage mais aussi d'introspection dans le recueillement et la quiétude, on regrettera le choix de la réalisatrice de laisser une trop grande place à son propre commentaire de ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux. Ce besoin de parole, que l'on comprend aisément mais qui aurait pu faire l'objet d'un choix de montage différent, a tendance à enfermer le spectateur dans l'auto-analyse. Tout comme la musique démonstrative et bien trop présente de - M - sature un propos où le dépouillement aurait été plus de mise. Enfin, il y a dans la présentation des lacunes qui méritent d'être soulignées. Marine Barnérias choisit de mettre l'accent sur le côté autodidacte de son projet, et la force de son message - qui contient en filigrane une attaque de certains travers de la médecine que personne parmi nous ne contestera - implique inéluctablement un risque de généralisation qui pourrait être préjudiciable à certaines personnes que la réticence de base à l'univers médico-hospitalier rend encore plus fragiles. Sans pour autant être dans le combat que mène son père, réalisateur du documentaire Hold Up, qui intervient régulièrement dans le film et dont la parole a nécessairement un poids différent de celui du quidam qu'il semble être si l'on s'en tient à une vision décontextualisée.

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