Ségur : un "chèque en bois", selon l’économiste Frédéric Bizard

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Dans une tribune récente publiée dans Les Echos, l’économiste Frédéric Bizard estime que le Ségur de la santé « ne règle rien à la crise systémique de la santé en France » en raison de la méthode utilisée, de l’approche exclusive hospitalière et de « l’absence de réforme structurelle accompagnant les revalorisations ».
 

Ségur : un "chèque en bois", selon l’économiste Frédéric Bizard

Signés le 13 juillet dernier, les accords de Ségur empruntent « un vieux chemin d’hospitalo-centrisme de plus de 70 ans (ordonnances de 1958) » qualifié d’« impasse » par l’économiste Frédéric Bizard. Dans une tribune publiée dans Les Echos le 24 août, le spécialiste des questions de protection sociale et de santé estime que ces accords n’ont pas tenu compte des leçons de la crise sanitaire et marquent donc « un manque d’ambition réformatrice pour faire de la Santé un des secteurs stratégiques de la France de demain ».

Selon lui, la revalorisation des salaires de la fonction publique hospitalière négociée durant le Ségur n’est pas suffisante. Il aurait fallu enclencher un cycle de revalorisation car « l’environnement dégradé des conditions de travail dans le secteur hospitalier est largement responsable de la chute d’attractivité des postes ».

Or, ce Ségur n’aura été selon l’économiste qu’une « opération politicienne qui ne règle rien à la crise systémique de la santé en France » en raison de la méthode utilisée (mené « dans la précipitation », « sans diagnostic précis des priorités stratégiques »), de l’approche exclusive hospitalière et de « l’absence de réforme structurelle accompagnant les revalorisations ».

Un "chèque en bois"

Sur ce dernier point, Frédéric Bizard estime que les 7,6 milliards d’euros débloqués pour les professionnels paramédicaux et non médicaux des établissements de santé et Ehpad publics et privés sont un « chèque en bois ». Et rappelle que la mesure principale a été une hausse socle de salaire pour tous de 183 euros net/mois dans le public et 160 euros dans le privé lucratif. Or, « cet égalitarisme strict en apparence dans la revalorisation est en réalité très inégalitaire si on considère la hiérarchie des fonctions et la diversité des situations à l’hôpital », selon l’économiste qui précise qu’il s’agit en réalité d’une hausse de 10% en moyenne pour l’aide-soignante et de 7% pour l’infirmière.

Par ailleurs, comme cette revalorisation ne s’est accompagnée d’aucune réforme des métiers, « rien ne justifie que l’infirmière soit moins bien revalorisée en pourcentage de salaire que le personnel technique ». D’autant plus que c’est la profession dont le niveau de compétences est le moins bien rémunéré à l’hôpital. Quant à la question de la pénibilité au travail, elle a été selon lui à peine « effleurée » au Ségur. Donc, « si l’annonce de milliards d’euros anesthésie les esprits à court terme, les injustices du Ségur vont vite refaire surface ».

Plus corporatiste tu meurs ?

Par ailleurs, le Ségur n’a pas réglé la question des quelque 30% de postes vacants de PH, poursuit Frédéric Bizard qui pense qu’il était « difficile de faire plus corporatiste que de concentrer la hausse de 450 millions d’euros dédiés aux médecins hospitaliers sur les indemnités de « service public exclusif » des médecins en fin de carrière ». Pas de quoi donc « combler le fossé qui s’est creusé entre les attentes de la nouvelle génération de médecins et l’hôpital d’aujourd’hui et construire les carrières mixtes hôpital et ville qui font partie des attentes et des besoins de la santé de demain ».
 
Enfin, l’économiste rappelle que l’hôpital est financé à 92% par l’assurance maladie dont les ressources proviennent des cotisations sociales et de l’impôt. Il aurait donc aimé que le Ségur donne plus éléments sur les modes de financement de la hausse annuelle du budget hospitalier qu’il estime à 8%.
 
Et de conclure : « L’argent magique n’existant pas, le gouvernement s’étant engagé à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires, c’est bien une politique d’austérité « historique » qui se prépare en santé pour les années à venir. »
 

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