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Les fluoroquinolones, famille d'antibiotiques destinée à guérir des infections bactériennes graves, peuvent, dans de rares cas, causer des effets secondaires dramatiques, aboutissant notamment à des paralysies irréversibles.
Souvent prescrits à mauvais escient alors qu'ils présentent ces risques d'effets graves, ils sont moitié moins consommés depuis une dizaine d'années, sur fond de mesures restrictives, avait annoncé mi-février l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Côté judiciaire, une soixantaine de plaintes ont été déposées à partir de 2022, donnant lieu à des investigations au pôle santé publique (PSP) parisien.
Dans un courrier adressé au printemps à plusieurs plaignants, dont l'AFP a eu connaissance vendredi, une procureure du PSP écrit que les plaintes comportent une double dimension, et notamment « une problématique générale » consistant « à évaluer les diligences effectuées au niveau de la pharmacovigilance, la prise en compte des effets indésirables graves et la prise de décision concernant les conditions de prescription de cette classe d'antibiotiques ».
Après avoir sollicité l'ANSM en août 2023 et avoir reçu différentes réponses en octobre 2024 et février dernier, le PSP écarte toute faute de la pharmacovigilance, car il y a eu « des modifications régulières des notices du médicament ; des décisions de restriction des indications thérapeutiques et une communication » aux professionnels et au public.
La faute aux médecins prescripteurs ?
Le parquet de Paris a donc clos ce volet et transmis les plaintes aux parquets de résidence des plaignants pour qu'ils traitent la seconde « problématique éventuelle », à savoir une éventuelle faute « commise lors de la prescription » de ces antibiotiques « par le médecin », et l'éventuel lien entre les effets indésirables et les fluoroquinolones.
« La décision du parquet revient à jeter un voile pudique sur les dysfonctionnements de la police du médicament pour faire porter le chapeau aux seuls médecins, alors que nous soutenons que l'ANSM ne les a pas suffisamment alertés », a réagi auprès de l'AFP Martin Vettes, avocat des plaignants avec Maxime Bailly.
« Parquet par parquet, on va demander que les investigations soient élargies et ne se cantonnent pas à la responsabilité des médecins prescripteurs », a-t-il ajouté.
Communication tardive
Dans une note argumentaire, les avocats pointent un retard de l'ANSM en France, qui n'aurait communiqué qu'en 2019, « très tardivement » et surtout « timidement », là où des recommandations de restriction de l'usage de ces médicaments ont été émises par les autorités sanitaires américaines dès 2016 et au niveau européen en 2018.
Cette communication française, « pas à la hauteur des enjeux », « n'a eu aucun impact » immédiat sur la prescription des fluoroquinolones, d'après eux.
Philippe Coville, figure du dossier à la tête de l'Association Fluoroquinolones France, qui affirme regrouper près de 800 victimes des effets indésirables graves dont de nombreuses personnes polyhandicapées à vie, s'indigne d'un « ministère public qui ne fait pas son boulot, qui refuse de nous recevoir et qui considère que tout va très bien madame la Marquise, on peut continuer d'intoxiquer les Français avec des médicaments extrêmement toxiques ».
« C'est extrêmement grave », déplore Philippe Coville, annonçant l'existence de « plusieurs plaintes avec constitution de partie civile sur le sujet », ce qui pourrait permettre d'obtenir l'ouverture d'informations judiciaires confiées à des juges d'instruction.
Selon une source proche du dossier, cinq plaintes de ce type ont été déposées cet été, quatre à Paris et une à Versailles.
Avec AFP
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