Et si le regard pouvait redonner une voix aux patients hospitalisés en réanimation ? C’est le défi que s’est fixé le Dr Laëtitia Bodet-Contentin. Depuis 2015, cette médecin réanimateur du CHU de Tours développe un dispositif d’eye tracking à destination des patients de son service. « Les psychiatres utilisent ce type de dispositif pour détecter les troubles autistiques, se remémore-t-elle. C’est en discutant avec un de mes collègues que j’ai eu l’idée de l’adapter aux patients en réanimation ! »
Sondés au niveau des cordes vocales, ces patients, alités et affaiblis, sont contraints au mutisme. « Et 50 % d’entre eux ne peuvent pas non plus écrire », souligne Laëtitia Bodet-Contentin. Un véritable cauchemar pour les patients… « Après coup, certains parlent de torture », témoigne-t-elle. Mais également pour les soignants qui passent de longues minutes à tenter de communiquer pour les soigner. « L’idée était de pouvoir trouver des outils alternatifs de communication moins limités et chronophages que les pictogrammes », poursuit-elle.
Concrètement, comment cela marche ? Un ordinateur et une caméra infrarouge connectés en poche, le dispositif capte les longueurs d’onde. « Ça permet de commander un ordinateur d’un simple regard », image la médecin. Un produit fini qui coûterait en 12 et 15 000 euros, selon Laëtitia Bodet-Contentin. « Nous avons fait construire le nôtre, et il a coûté environ 5 000 euros », précise tout de même la médecin.
C’est il y a déjà cinq ans que le Centre Hospitalier Universitaire de Tours a fait ses premiers essais. Depuis, le CHU s’est confectionné une flotte de dix appareils. Sans limite d’usage, ces dispositifs sont en effet très appréciés par les patients et leur famille. « Il y a des familles qui se sont complétement appropriées l’outil. Quand elles viennent, on le leur laisse à disposition dans la chambre », s’enthousiasme la spécialiste. Après présentation de leurs résultats dans plusieurs congrès médicaux, les CHU de Bourg-en-Bresse, Brest ou encore Marseille leur ont emboîté le pas.
Seule ombre au tableau ? « Pour l’instant, ce n’est pas rentré dans la liste du matériel absolument nécessaire dans les services de réanimation », indique le Dr Laëtitia Bodet-Contentin. Une hérésie pour celle qui rappelle que la littérature médicale démontre que l’absence de communication est délétère pour la santé du patient. « Pour l’instant, nous n’avons cependant pas d’étude pour démontrer qu’elle permet de diminuer la mortalité ou améliorer les séquelles post-opératoires », conclut-elle.
Quand l’Eye Tracking redonne une voix aux patients en réanimation
Depuis 2015, les dispositifs d’eye-tracking se multiplient petit à petit dans les services de réanimation français. Imaginé par le Dr Laëtitia Bodet-Contentin, cet outil permet de capter le regard du patient intubé afin de lui permettre de communiquer.