Pourquoi fumer est de droite ? Le cardiologue Olivier Milleron a la réponse

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Olivier Milleron est cardiologue à Bichat, ancien fumeur et membre du collectif inter-hôpitaux. A court d’arguments santé, il tente de convaincre ses amis militants que fumer va à l’encontre de leur engagement et accumule alors toutes les raisons politiques, commerciales et environnementales pour le démontrer. Tant et si bien qu’il en sort un livre : Pourquoi fumer c’est de droite ?

Pourquoi fumer est de droite ? Le cardiologue Olivier Milleron a la réponse

Dr Olivier Milleron, auteur de Pourquoi fumer c'est de droite ?

© Capture FranceInfo

What's up Doc : Choisir un titre engagé à gauche peut ôter l’envie d’une bonne part de la population de lire votre livre ? Pourquoi ce choix ?

Olivier Milleron : Tout d’abord, c’est l’éditeur qui a choisi ce titre, court et percutant à sa manière. De gauche ou de droite, on est de plus en plus attentifs à la provenance des produits que nous consommons. Seule la cigarette échappe à cette règle. Beaucoup se préoccupent du contenu de leur assiette, de leur impact carbone, ne prennent plus l’avion. Ces mêmes personnes pourtant revendiquent une forme de liberté quand il s’agit de fumer : « je fume, je suis un résistant ! » Arriver à un pique-nique avec un repas Mac’do sera décrié (haro sur la malbouffe, la provenance des aliments, l’emballage et la chaîne de junk-food). Sortir un paquet de Marlboro en fin de repas sera davantage accepté. Quelques-uns tenteront des arguments santé ; un autre dira « j’essaye d’arrêter » mais personne ne condamnera ni la provenance, ni les trafics d’influence, ni la corruption ou l’impact sur l’environnement de cette pratique inutile. Pourtant les faits sont connus. Des dirigeants ont été condamnés pour dissimulation ou fabrication de fausses preuves. Tout cela est très bien expliqué par Proctor dans Golden Holocauste. Mais cela continue. En 2021, une nouvelle allégation prétend que les fumeurs seraient plus résistants au covid !

« Personne ne condamne ni la provenance, ni les trafics d’influence, ni la corruption ou l’impact sur l’environnement du tabac »

Quel serait le bon argument pour arrêter de fumer ?

OM. : Il faut sortir de l’idée que le tabac est uniquement un problème personnel de santé ; réaliser que c’est une responsabilité collective. Comment cautionner une industrie qui gagne un argent fou pour tuer des gens ? Ce n’est pas parce qu’ils sont privés qu’ils sont « méchants », c’est parce que leur objectif premier est de faire de l’argent, tout en tuant des gens. Dans l’histoire du tabac, on retrouve tous les travers du capitalisme : un système aux mains d’entreprises plus puissantes que les Etats et qui les tiennent en tenailles. Au  démarrage, on a trouvé raisonnable de mettre des gens en esclavage pour produire du tabac. Aujourd’hui, dans certains pays, ce sont des enfants qui travaillent dans les champs : - 1,3 million selon l’Organisation internationale du Travail (OIT). La campagne d’information sur ce scandale a été censurée, alors que l’espace public a été envahi en décembre dernier par des panneaux publicitaires dénonçant la contrefaçon de cigarettes. Une action soutenue par Philip Morris. Combattre le commerce illicite de cigarettes ne s’attaque pas à la cause, au Big Tabacco qui inonde de cigarettes les pays limitrophes.
Le système capitaliste ne permet pas de défendre l’intérêt général. On peut mettre cela en parallèle de nos systèmes de santé, qui se privatisent de plus en plus et sont détenus par des fonds de pension. Notre système de soin est mis en danger parce que certains pensent que c’est un marché. Alors que c’est un bien collectif.

« Alors, comment diminuer sa consommation ? Avec les mêmes convictions que de réduire la viande ou prendre moins l’avion. Arrêter de fumer est un acte militant »

Comment pourrait-on davantage lutter contre le tabac ?

OM. : Les derniers chiffres de SPF indiquent que la consommation ne baisse plus. Les adolescents fument encore beaucoup. Les codes sont les mêmes : « Fumer, c’est être cool ». Rien n’a changé depuis les publicités d’Edward Bernays aux USA dans les années 70, qui avait promu la cigarette auprès des femmes comme symbole d’émancipation. Face à ces chiffres, les associations ne lâchent pas. Alliance contre le tabac tente de dénormaliser le tabac. Le comité national de lutte contre le tabac attaque sur le volet sanitaire en dénonçant des nouveaux produits de tabac chauffé, soi-disant moins nocifs sans qu’aucune étude scientifique ne le démontre.
Alors, comme diminuer sa consommation ? Avec les mêmes convictions que de réduire la viande ou prendre moins l’avion. Arrêter de fumer est un acte militant

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