Mouroir, mon beau mouroir

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Ciné week-end: Fin de Partie, de S. Maymon et T. Granit (sortie le 3 juin 2015)

Mouroir, mon beau mouroir

Curieux film qui, par son impertinence et le ton souvent juste qu'il a su trouver, évoque les plus brillantes comédies anglaises, un saupoudrage d'humour yiddish en plus. Particulièrement bien réalisé, s'appuyant sur des acteurs prodigieux et un thème central bien provoc, surtout en Israël, Fin de Partie semblait réunir tous les ingrédients de la bonne surprise (partie). Mais le film se termine hélas en jeu de massacre difficilement supportable.

Les premières scènes, franchement hilarantes, font pourtant mouche, et croquent le portrait d'un troisième âge combattif, non résigné, qui a su apprivoiser la vieillesse dans ce qu'elle a de meilleur: l'affranchissement de conventions étouffantes. La bande de joyeux drilles décidant, dans le pays où Ariel Sharon a été maintenu en vie artificiellement pendant près d'une décennie, de mettre fin aux souffrances insupportables d'un de leurs amis, est animée d'une pulsion de vie qui rend leur acte d'emblée justifié voire sympathique. Cela reste, de loin, la meilleure partie du film. Mais la fin de partie, justement, nous a semblé un peu gâchée...

Alors que l'idée de base - comment, en ouvrant la boîte de Pandore, nos euthanasieurs du dimanche vont se retrouver un peu dépassés - s'étiole pour tomber dans une banalité et une prévisibilité décevantes, on pressent l'importance que va prendre le personnage de Levana, épouse aimante d'Ezechiel, au départ radicalement opposée au projet de ses amis. Animée d'une bonté et d'une droiture quasi bibliques, elle représente la figure sacrificielle idéale d'une femme qui, gagnée peu à peu par l'Alzheimer, s'éloigne inexorablement du rivage des vivants et se retrouve confrontée à un dilemme terrible. Et c'est là que le bât blesse: en se concentrant de plus en plus sur ce couple attachant, les réalisateurs sont pris au piège d'une escalade lacrymale qui semble ne servir qu'à la justification d'un acte beaucoup moins évident que celui de départ. Il nous rappelle l'impérieuse nécessité d'un tiers, notamment médical, pour encadrer des décisions qui risquent dans le cas contraire de dépasser le strict cadre de ce que l'on appelle la fin de vie. Un tiers pour désengager les familles de la solitude d'un choix terrible et prévenir un franchissement de limites que, de par son ton trop complaisant, le film franchit sous couvert d'une bonne conscience nauséabonde.

Un film qui fait débat!

Source:

Guillaume de la Chapelle

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