A midsummer nightmare

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Critique de "Midsommar", de Ari Aster (sortie le 31 juillet 2019). 

A midsummer nightmare
La descente aux enfers d'un couple à la dérive parti vivre neuf jours de fêtes ancestrales dans une communauté au fin fond de la Suède, ou les conséquences tragiques d'un malentendu. Un cauchemar sous un soleil de plomb qui ne se couche jamais, doublé d'une réflexion cruelle et moderne sur la vie conjugale - au pays de Bergman ! Magistral.

Une jeune femme anxieuse attend désespérément des nouvelles de sa sœur, bipolaire en phase très instable. Elle a beau se raisonner, elle pressent qu'un malheur va survenir. Ce sera évidemment le cas, au-delà de l'imaginable. Dès les premières minutes, Ari Aster donne le la : le procédé du scénario catastrophe qui se réalise, à la fois grosse ficelle du film d'horreur et symptôme princeps du trouble anxieux généralisé (TAG), sera le dispositif central de son deuxième film, Midsommar. Et plus ce dispositif est classique, plus il se doit d'être maîtrisé. 

Tout comme Dani dans ce prologue traumatisant, le spectateur est plongé pendant près de deux heures trente dans un stress grandissant, s'attendant à une fin inéluctable, sans que jamais la tension ne relâche un seul instant. Hormis quelques scènes choc, mémorables, l'angoisse repose avant tout sur un bruit de fond constant, des distorsions du champ visuel et auditif, un univers à la richesse incroyable, développé dans chaque détail jusqu'à l'obsession. Tout, dans le film, est justifié, connecté, articulé, pour aboutir à une œuvre à la logique implacable, jusqu'à l'étouffement. Ça tombe bien, s'il y a bien un ingrédient indispensable à tout film d'horreur, c'est celui-là. Honnêtement, on n'avait pas souvenir d'une telle maestria dans la scénographie depuis le Shining de Kubrick, qui lui aussi avait l'art d'immerger le spectateur au sein d'un univers thématique utilisé et exploré jusqu'à la démesure.

Pour peu qu'on se laisse prendre par la main par cette secte à la fois new age et ancestrale, que l'on ne soit pas freiné par l'ambiance "pub Krisprolls" et "vaisselle Ikea" qui donne au film un caractère volontiers comique, que l'on s'attarde plus sur le caractère inquiétant de ses rituels que sur leur absurdité, traverser les festivités dionysiaques - tendance aquavit - du Midsommar a tout de l'expérience hypnotique. Mais à cette dimension horrifique, Aster ajoute un degré de lecture plus bergmanien, jouissif clin d'œil au pays-hôte qu'il squatte allègrement. Ce n'est pas seulement à la punition de la lâcheté, de la curiosité et de la perte de sens du sacré de la jeunesse moderne que l'on assiste dans cette fable macabre et grinçante. C'est surtout à la mise à mort implacable d'un couple, non pas par les grands organisateurs de cette bacchanale ancestrale, mais par le couple lui-même: lui par excès de lâcheté, elle par incapacité à se dégager de son vécu émotionnel. On n'est définitivement pas loin de l'acuité de Bergman, ou du moralisme de Zweig et de sa Pitié Dangereuse. On est surtout face à du grand cinéma.

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