Midazolam : Agnès Buzyn ouvre un chantier pour mettre fin à l’hypocrisie ?

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Interpellée sur le Midazolam par le Dr Antoine Leveneur, président de l’URML Normandie, Agnès Buzyn souhaite que des travaux soient menés de manière urgente par ses services. Quant au Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, il s’est fendu d’une tribune publiée dans Le Monde  pour évoquer « une grande hypocrisie ».

Midazolam : Agnès Buzyn ouvre un chantier pour mettre fin à l’hypocrisie ?

Interpellée dans un courrier par le Dr Antoine Leveneur le 6 décembre dernier, président de l’URML Normandie, Agnès Buzyn a fini par répondre par voie postale. Le courrier en question lui demandait son avis, suite à la mise en examen d’un couple de médecins normands, interdits d’exercer la médecine.
 
Pour rappel, il était notamment reproché au Dr Jean Meheut-Ferron (qui a fait l’objet d’une pétition de soutien), engagé de longue date dans les soins palliatifs et dans l’accompagnement des patients en fin de vie à leur domicile, « d’avoir dans ce cadre utilisé un produit (Midazolam : Hypnovel°) réservé uniquement aux établissements de santé, fourni par son épouse », expliquait le courrier.
 
Pour le Dr Antoine Leveneur, cette situation est « douloureusement démonstrative des difficultés qui sont les nôtres dans l’exercice de notre profession et plus précisément dans l’accompagnement de nos patients et leurs familles ». 

En effet, lorsque le recours à l’hospitalisation à domicile (HAD) n’est pas le plus pertinent, il existe deux alternatives pour apaiser et soulager efficacement à leur domicile des patients en fin de vie dans le respect de la loi Claeys-Leonetti, selon le président de l’URML Normandie :
- se résoudre à les adresser aux établissements ;
- mettre en œuvre à domicile les mesures efficaces et respectueuses pour les patients, « avec ce risque non négligeable de se retrouver, comme dans la situation de notre confrère, devant la justice ».
 
D’où les questions suivantes adressées à Agnès Buzyn, dans le premier courrier : « Confrontée à une situation identique, Madame la Ministre, Chère Consœur, quelle attitude auriez-vous adoptée ? Quels seraient votre avis et vos conseils aux médecins libéraux qui utilisent cette molécule réservée aux établissements ? »

Le 9 janvier dernier, la ministre a donc adressé un courrier au président de l’URML Normandie. Pour répondre tout d’abord qu’elle ne pouvait « porter d’appréciation ni intervenir dans les procédures de justice en cours ».

Pour ce qui est de la continuité des soins, elle a demandé à l’ARS de poursuivre l’action qu’elle a engagée auprès de l’URML et du conseil de l’ordre pour « aboutir rapidement à une solution permettant aux patients du médecin généraliste concerné de disposer rapidement d’un médecin traitant. »

À propos de l’accès des patients en ambulatoire aux médicaments utilisés pour la prise en charge de la sédation profonde et continue, elle a tout d’abord estimé que la prise en charge au sein d’un HAD offre « un cadre sécurisé en matière de circuit du médicament et d’organisation de la décision collégiale nécessaire dans ce genre de circonstance ».

Avant d’admettre que le dispositif dérogatoire (1) autorisant la rétrocession de certains médicaments utilisés dans le cadre de la prise en charge de la douleur chronique rebelle et de soins palliatifs « soulève de nombreuses questions tant sur le plan juridique que de la pratique soignante »

Chantier à mener

Telles sont les raisons pour lesquelles elle souhaite que des travaux soient menés de manière urgente par ses services pour « encadrer, sécuriser et garantir l’accès des patients en ambulatoire, aux spécialités hors AMM utilisées par la sédation profonde et continue ». Des travaux qui s’articuleront avec la finalisation de la recommandation de la HAS sur la prise en charge médicamenteuse en situation palliative, afin de construire un « nouveau plan de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement des patients en fin de vie ».

En attendant la recommandation de la HAS, le Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, s’est fendu d’une tribune publiée dans Le Monde  pour expliquer en quoi le médicament en question, n’est pas euthanasique et soulage parfois jusqu’à la mort. C’est pourquoi, selon Didier Sicard, « refuser d’étendre aux médecins généralistes l’emploi du midazolam est d’une grande hypocrisie ».

Quant au Jacques Battistoni, le président de MG France qui organisait une conférence de presse ce 15 janvier, il a « noté avec satisfaction l’annonce de la ministre d’ouvrir une discussion sur l’usage des médicaments en médecine de ville, des médicaments dont certains sont réservés à l’hôpital. J’ai évidemment en tête le midazolam qui est un médicament qui est utile dans certaines situations ».

Compliqué d’obtenir du midazolam 

Selon Jacques Battistoni, si on veut faire du maintien à domicile, « il faut que l’on ait les mêmes moyens qu’à hôpital. Or, trop souvent, on se retrouve dans des situations où on est contraints d’hospitaliser les patients lors des derniers jours de leur vie, parce que l’on a une impossibilité technique qui arrive brutalement. C’est vrai que c’est parfois parce que les choses n’ont pas été anticipées, mais c’est parfois aussi faute de médicaments mise à notre disposition. »  
 
Même son de cloche du côté de la vice-présidente du syndicat, le Dr Marguerite Barder-Bayart. « La dernière que j’ai fait d’un patient en fin de vie, cela a été compliqué d’obtenir du midazolam. Il faudrait plus de souplesse pour prescrire ce médicament. » D’autant plus que le midazolam n’est pas le seul médicament concerné, a poursuivi Marguerite Barder-Bayart : « Il y a par exemple d’autres produits pour lutter contre les exacerbations d’asthme qui ne sont pas à disposition, ce qui fait qu’on met aussi en danger des patients. Pour quelles raisons les généralistes sont privés de ces prescriptions ? Sur quels arguments ? »
 
1 : décision ministérielle du 20 décembre 2004
 

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