L’infectiologie, peut-être plus encore que les autres disciplines médicales, vient de vivre une année très particulière. Mais il y a une chose qui semble immuable au pays de Karine Lacombe et de Didier Raoult : en 2020, comme les années précédentes, mieux valait avoir cartonné aux ECNi si on voulait s’orienter vers la clinique des virus et autres bactéries. Avec un rang moyen de 1166, les internes qui ont choisi « maladies infectieuses et tropicales » ont placé cette spé au 7e rang des plus prisées : 1 place de moins qu’en 2019, mais on reste dans le haut du panier.
« C’est une énorme satisfaction de voir que nous réussissons encore à attirer les étudiants qui ont le mieux réussi au concours », se félicite le Pr Pierre Tattevin, président de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) qui exerce au CHU de Rennes. Pour lui, ce bon résultat est une forme de soulagement, car la pandémie a eu selon lui « un double effet, un peu contradictoire », sur l’image de l’infectiologie.
CONSTAT MITIGE
« D’un côté, le fait d’avoir été sous les feux de la rampe pendant un an, c’est attractif, cela permet aux gens de s’identifier à l’infectiologue, détaille Pierre Tattevin. Mais en même temps, ce qui joue contre nous, ce sont les polémiques stériles auxquelles nous avons assisté. » Et de souligner que « Marseille a été moins bien choisie cette année »... Le CHU phocéen se retrouve effectivement au 20e rang en infectiologie, avec 9 places de moins qu’en 2019. Difficile de ne pas y voir un délétère effet secondaire de l’hydroxychloroquine.
Du côté des jeunes infectiologues, on dresse également un constat mitigé après un an de crise. « Le côté gestion de l’épidémie a été passionnant, et cela a renforcé notre image de spécialité très intéressante, très variée, note le Dr Pauline Thill, cheffe de clinique au CH de Tourcoing et présidente du Réseau des jeunes infectiologues français (Rejif). Mais en même temps, les conditions de travail dans les services ont fait que la formation des internes en a pris un coup cette année. Si les services de maladies infectieuses continuent à être dédiés uniquement à la Covid, les conséquences sur l’attractivité risquent de se faire sentir. »
Mais de manière générale, c’est un avenir plutôt positif qui semble se dessiner pour l’infectio. « C’est une spécialité où nous avons des succès thérapeutiques très importants, on a vraiment l’occasion de rendre service », souligne Pierre Tattevin. « L’épidémie a donné aux infectiologues l’occasion de se donner corps et âme, ce qui montre que c’est une spécialité réactive, qui ne cesse de se développer », ajoute Pauline Thill. Alors qu’on ne cesse de nous annoncer que le monde est entré dans l’âge des grandes pandémies, les jeunes internes qui veulent participer au combat savent vers où ils doivent s’orienter.