L'intérim médical, symptôme d'un hôpital affaibli

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Prospérant sur la pénurie de médecins, l'intérim médical est devenu la bête noire du gouvernement, qui peine à encadrer les tarifs faramineux que certains hôpitaux acceptent de régler pour ne pas fermer leurs urgences, leurs blocs opératoires ou leur maternité.

L'intérim médical, symptôme d'un hôpital affaibli

Le coût de l'intérim médical pèse lourd, très lourd. Ce qui est rare est cher, surtout quand il porte une blouse blanche. Parfois plusieurs milliers d'euros pour une garde de 24 heures, pour peu qu'elle tombe pendant les fêtes de fin d'année. Le phénomène n'est pas nouveau. En 2013 déjà, le jeune député Olivier Véran dénonçait dans un rapport les dérives de l'intérim médical, dont le coût était alors estimé à 500 millions d'euros par an.

Huit ans plus tard, devenu ministre, il n'a pas de mots assez durs contre les "mercenaires" qui grèvent toujours plus le budget des hôpitaux, mais envisage de reporter la dernière réforme censée enfin plafonner leur rémunération. Le principe même de ce "plafond" est inscrit dans la loi depuis janvier 2016, mais le décret d'application n'a été publié qu'en novembre 2017. Le "salaire brut maximum" pour "une journée de vingt-quatre heures de travail effectif" a ainsi été fixé à 1.404,05 euros en 2018, puis ramené à 1.287,05 euros en 2019 et 1.170,04 euros depuis 2020.

Certains praticiens se sont aussitôt farouchement opposés à cette mesure. En mai 2018, un syndicat de médecins remplaçants avait appelé au boycott des établissements publics, diffusant même une "liste noire" de ceux qui appliquaient la réforme. L'ancienne ministre Agnès Buzyn a eu beau jeu d'appeler à "ne céder à aucune forme de chantage", la situation ne s'était guère arrangée en novembre 2019, quand elle promettait "des campagnes de contrôle" pour s'assurer "du respect de la réglementation".

Vers un report de la loi ?

Le Covid-19 a vite balayé les priorités, puis le "Ségur de la santé" a un peu relevé le salaire des praticiens hospitaliers. Mais le problème de fond demeure : dans les hôpitaux publics, plus d'un tiers des postes de médecins étaient en "vacance statutaire" début 2021. Soit 23.546 emplois à temps plein ou partiel non pourvus par un titulaire - mais en grande partie occupés par des contractuels. Cette pénurie, qui ne cesse de s'aggraver d'année en année, est particulièrement flagrante dans certaines spécialités critiques, comme l'anesthésie, l'obstétrique et la radiologie.

Le gouvernement et sa majorité parlementaire ont néanmoins choisi de resserrer encore l'étau : une nouvelle loi promulguée fin avril prévoit le "rejet du paiement des rémunérations irrégulières" et leur signalement au tribunal administratif. Prévues pour entrer en vigueur le 27 octobre, ces dispositions mettent en émoi de petits établissements, dont l'inquiétude est relayée par la presse locale, à Ambert (Puy-de-Dôme), Falaise (Calvados), Pontivy (Morbihan) ou au Bailleul (Sarthe).

Dans ce contexte, Olivier Véran a indiqué début octobre qu'il consulterait les fédérations hospitalières "afin de déterminer les conditions dans lesquelles on peut, ou pas, appliquer le décret dans les délais impartis". Une décision doit donc être prise "compte tenu de l'obligation vaccinale et de la pression sanitaire", alors que 6.500 malades du Covid sont encore hospitalisés (dont plus de 1.000 en soins critiques) et qu'environ 15.000 soignants non vaccinés sont suspendus, selon le ministre de la Santé.

Avec AFP

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