L’intelligence artificielle, ou la mort des médecins ?

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L’intelligence artificielle (IA) n’est pas de la science-fiction. Loin des fantasmes cinématographiques, la technologie de Terminator n’est pas (encore) à même de donner des sentiments aux machines. Elle s’apprête cependant à révolutionner la médecine... Et ca va faire mal !

L’intelligence artificielle, ou la mort des médecins ?

Le 28 janvier 2016, Nature faisait sa couverture sur la victoire de l’IA « DeepMind », mis au point par Google, sur Fan Hui, champion européen de jeu de go. Et le 24 février, ce même DeepMind annonçait son entrée dans le diagnostic médical.

L’IA va bouleverser la médecine en quelques décennies. Il existe deux types d’IA. L’IA forte serait capable d’éprouver une réelle conscience de soi et d’avoir une compréhension de ses raisonnements. L’IA faible vise à construire des systèmes autonomes, des algorithmes capables de résoudre des problèmes techniques en simulant l’intelligence. Nous ne sommes pas certains de disposer d’une IA forte d’ici à 2050, mais l’IA faible est déjà capable de réaliser beaucoup de tâches mieux que des cerveaux humains.

De la Google Car à l’analyse biologique

L’IA faible est la clef d’une révolution en marche : la Google Car conduira de façon plus sûre que n’importe quel humain ; les robots chirurgicaux opéreront mieux que n’importe quel chirurgien en 2035. Comme le dit Sergey Brin, le cofondateur de Google : « Nous allons faire des machines qui pensent, qui raisonnent et feront les choses mieux que nous ».

Avant 2035, plus aucun diagnostic médical ne pourra être fait sans système expert. Il y aura un million de fois plus de données dans un dossier médical qu’aujourd’hui. Des objets connectés, comme les lentilles Google pour les diabétiques, vont produire des milliers puis des milliards d’informations chaque jour pour chaque patient. Cette révolution est le fruit du développement de la génomique, des neurosciences et des objets connectés. L’analyse complète de la biologie d’une tumeur exige, par exemple, 20 000 milliards d’octets (20 téraoctets) ; les capacités technologiques en permettront prochainement la réalisation à grande échelle.

Signer des ordonnances sans les concevoir

Les médecins vont affronter une « tempête numérique » : ils devront interpréter des milliers de milliards d’informations quand ils n’en gèrent aujourd’hui que quelques poignées. Même le Dr House serait incapable de traiter ce déluge de données. Watson d’IBM peut analyser en quelques instants des centaines de milliers de travaux scientifiques pour comprendre une mutation là où il faudrait 38 ans au cancérologue. C’est plus que l’espérance de vie du patient, et de l’oncologue. Nous allons assister à une mutation radicale et douloureuse du pouvoir médical. Les médecins signeront des ordonnances qu’ils n’auront pas rédigées. Le médecin sera l’infirmière de 2030 : subordonné à l’algorithme, comme l’infirmière l’est aujourd’hui au médecin.

Autre effet collatéral, l’éthique médicale ne sera plus le produit explicite du cerveau du médecin : elle sera produite implicitement par le système expert. Le pouvoir médical et éthique sera aux mains des concepteurs de ces logiciels. Les leaders de l’économie numérique, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ainsi qu’IBM et Microsoft seront les maîtres de cette nouvelle médecine qui sera essentiellement made in USA. Chaque jeune médecin doit donc reconsidérer ses projets professionnels en intégrant ce tsunami technologique. 

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Urologue de formation, le Dr Laurent Alexandre dirige maintenant DNA Vision, entreprise belge spécialisée dans la génétique. Au fil de ses ouvrages et de ses interventions médiatiques, il livre son analyse sur tous les angles de ce que pourrait être le futur de la médecine

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