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L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), fixé à 265,4 milliards d’euros pour 2025, a progressé de 4,8 % par an depuis 2019, hors Covid. C’est deux fois plus que la période précédente (2,4 % par an entre 2015 et 2019). Cette croissance a fait grimper la part des dépenses d’assurance maladie dans le produit intérieur brut, de 8,2 % en 2019 à 8,9 % en 2025.
Cette « situation inédite » n’est « plus soutenable », a indiqué devant la presse Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Selon l’institution, une telle progression « s'accompagne d’une dégradation du solde des trois branches de la sécurité sociale (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, autonomie) qui financent l’Ondam ».
Le déficit cumulé annuel de ces trois branches « doublerait presque de 2024 (11,8 milliards d’euros) à 2028 (20,1 milliards d’euros) », ce qui conduirait « à la reconstitution d’une dette sociale en trois ans de plus de 70 milliards » d’euros. Ces projections prennent en compte plusieurs facteurs structurels : vieillissement de la population (+3 Md€/an d’ici 2030), progression des maladies chroniques, pénurie de personnels et inégalités d’accès aux soins.
« La ligne de crête est étroite », a ajouté Pierre Moscovici, mais « il est possible » de faire des économies « sans dégrader la qualité du service » et même en « l'améliorant ».
Lutte contre la fraude, maîtrise des soins et régulation des médicaments
Parmi les leviers identifiés, la Cour place en tête la lutte contre « les fraudes à l’assurance maladie et les remboursements indus de dépenses de santé ». En 2024, 628 millions d’euros ont été détectés et stoppés, un chiffre « en progression » mais qui « demeure nettement en deçà des estimations de fraudes (jusqu’à 4,5 milliards d’euros) ». L’institution fixe un objectif de 1,5 milliard d’euros de fraudes stoppées d’ici 2029.
Les moyens supplémentaires « accordés aux caisses d’assurance maladie, en personnels, en prérogatives juridiques et en moyens informatiques sont autant de leviers pour mieux prévenir les fraudes et effectuer les remboursements des indus », souligne la Cour. Elle recommande aussi une reprise et une systématisation des contrôles, notamment ceux des établissements de santé, interrompus pendant la crise sanitaire et relancés depuis octobre 2024. Elle constate aussi des disparités territoriales dans l’usage des outils de contrôle, ainsi qu’un faible niveau d’action dans la branche autonomie.
« Les contrôles sont à systématiser et les paiements sont à suspendre en cas de doute », insiste encore l’institution.
Au-delà des fraudes, la Cour propose de mieux encadrer certaines pratiques médicales jugées atypiques ou évitables. Elle cite les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou les différences de prise en charge d’une région à l’autre, comme pour la chirurgie de la cataracte. L’analyse systématique des pratiques médicales pourrait permettre de corriger ces écarts.
Sur les médicaments, l’alerte porte sur la forte progression des prix, notamment pour les anticancéreux : de 2,4 milliards d’euros en 2022 à 7 milliards attendus en 2028. La Cour appelle à renforcer l’évaluation médico-économique et à renégocier les prix en fonction de leur efficacité réelle.
Prévention, qualité des soins, financement : les autres pistes de la Cour
Autre axe mis en avant : la prévention. Les affections de longue durée représentent 125 milliards d’euros de dépenses remboursées par l’assurance maladie. La Cour recommande des actions ciblées sur les addictions, les maladies chroniques, ou encore la perte d’autonomie liée au vieillissement. Elle estime qu’un gain d’un an d’espérance de vie sans incapacité pourrait générer 1,5 milliard d’euros d’économies.
La qualité et la sécurité des soins sont aussi scrutées. En 2024, « 4 574 événements indésirables graves » ont été déclarés, en hausse de 13 % sur un an. Ces incidents engendrent des surcoûts évitables, comme des septicémies. L’institution recommande d’en faire un critère d’évaluation dans les autorisations de soins et les projets régionaux de santé.
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Enfin, la Cour pointe les difficultés des petits hôpitaux publics à maintenir une activité suffisante, notamment en chirurgie. Le recours à l’intérim est coûteux et ne garantit pas la qualité. Elle propose de réorganiser les parcours de soins à travers des regroupements au sein des groupements hospitaliers de territoire.
Elle suggère aussi de rééquilibrer le financement du système entre l’assurance maladie obligatoire, les organismes complémentaires et les patients. En 2023, un transfert de 5,5 milliards d’euros a été observé vers l’Ondam. Un partage plus concerté et pluriannuel est jugé nécessaire.
Avec AFP