
© DR.
Je m’appelle Juliette, j’ai 27 ans et je suis en deuxième année d’internat de médecine générale. J’ai fait mes études de médecine à Reims, puis j'ai changé de région pour mon internat. Je suis maintenant dans le Nord.
Je fais partie de ces étudiants en médecine qui ne font pas que de la médecine, malgré la difficulté des études ! J'ai eu la chance de signer en agence de mannequin durant ma quatrième année d'externat. Aujourd’hui, c'est plus compliqué parce que les emplois du temps ne sont pas très modulables pendant l'internat.
Si mes premières années d’études se sont plutôt bien passées, au cours de ma sixième année, j'ai perdu mon papa. J'avais presque arrêté complètement mes révisions à la suite de son décès. Finalement, je me suis dit que je n’avais pas fait tout ce chemin pour abandonner. Cela m’a valu un très mauvais classement aux ECN. Mais j’ai pu choisir médecine générale. Et c’était la spécialité que je voulais, j’en suis très contente !
« Sur mon compte, je ne fais pas de vulgarisation médicale. Je ne parle pas non plus d'actes médicaux et je ne donne pas de conseils. Honnêtement, je ne me sens pas légitime dans ce rôle »
What's up Doc : Quand vous êtes-vous lancée sur les réseaux sociaux ? Quel a été l'élément déclencheur ?
Juliette : Les réseaux sociaux n’étaient pas un sujet dans ma vie il y a encore deux ans. Lorsque j'ai commencé mon internat à Lille, il y a un an et demi, j’ai posté quelques vidéos sur TikTok à destination des étudiants en médecine. Ces vidéos ont très bien marché. J’ai compris que ça pouvait rapidement prendre de l'ampleur. J'ai continué de poster de temps en temps, mais mon objectif n’était pas de me faire connaître.
Mon contenu à destination des soignants (ou futurs soignants) s’est rapidement concentré sur des sujets politiques. Notamment la réforme de la quatrième année d'internat, puisque je suis directement concernée.
J’ai gagné pas mal d’abonnés, à tel point que le ministère de la Santé m’a contactée pour réaliser une vidéo, publiée sur ses réseaux sociaux. Nous avons échangé sur ce qu'on pouvait essayer de mettre en place pour améliorer les conditions de vie des étudiants.
Sur mon compte, je ne fais pas de vulgarisation médicale. Je ne parle pas non plus d'actes médicaux et je ne donne pas de conseils. Honnêtement, je ne me sens pas légitime dans ce rôle. Et même, c’est une question de déontologie car beaucoup de gens manquent de médecins et donc, malheureusement, ils se reportent sur les médecins influenceurs en leur posant des questions. Je ne prendrais jamais le risque de donner un conseil médical à quelqu'un que je n’ai pas vu en consultation.
« En général, les gens ont du mal à s'imaginer qu'un médecin puisse être autre chose que médecin. Je veux donner une autre image du soignant »
Combien d’heures par semaine consacrez-vous à la création de contenu ?
J. Je crée du contenu quand j'ai du temps libre, et surtout quand j'ai quelque chose de pertinent à raconter. Je peux très bien ne rien poster pendant deux semaines. Je n’ai pas de planning défini. De toute façon, je fais très peu de montage par rapport à d’autres, parce que je ne pense pas avoir les capacités de le faire. Donc finalement, créer du contenu me prend peu de temps.
Je fais des vidéos spontanées, c'est ce qui a marché jusqu'ici. Et ça me va très bien comme ça ! Je n’ai pas envie d'être cataloguée uniquement comme créatrice de contenu. Mon compte sur TikTok est avant tout à mon image. J’y parle de santé, parce que je suis interne. Mais je parle aussi de mannequinat, et d’un tas d’autres choses. En général, les gens ont du mal à s'imaginer qu'un médecin puisse être autre chose que médecin. Je veux donner une autre image du soignant.
Est-ce que vous avez investi dans du matériel ?
J. Non pas vraiment, comme je l’ai dit, je fais des vidéos spontanées face caméra et sans montage. Je n’ai besoin que de mon téléphone ! J’avais acheté une lampe pour avoir un meilleur éclairage, mais finalement je ne m’en sers pas.
« La création de contenu en tant qu'interne, ça déplaît. Quand un créateur de contenu arrive dans un service, tout le monde est au courant »
Comment vos confrères et consœurs perçoivent-ils votre activité sur les réseaux sociaux ?
J. La création de contenu en tant qu'interne, ça déplaît. Quand un créateur de contenu arrive dans un service, tout le monde est au courant. Parfois, j’ai des retours bienveillants de la part d’infirmières ou d’aides-soignantes. Mais dans certains stages, ça s’est mal passé. On me surveillait sur les réseaux sociaux afin que je ne critique pas le service, que je ne dévoile pas le nom de l'hôpital. J'ai même déjà été convoquée dans le bureau du chef de service, parce que ça lui déplaisait que je sois « influenceuse. » Ce qui gêne, ce sont les « qu’en dira-t-on ? » et les rumeurs qui peuvent en découler.
Et côté patients, est-ce que certains vous ont déjà reconnue ?
J. Non, ça ne m’est pas encore arrivé. Jusqu’à aujourd’hui mes patients étaient plutôt âgés. Actuellement je suis en pédiatrie donc ça pourrait arriver, bien que j’exerce en majorité avec des tout-petits. Mais c'est une des raisons pour lesquelles je fais attention à ce que je publie, je peux être reconnue.
Touchez-vous des revenus grâce à votre activité sur les réseaux sociaux ?
J. Je ne peux pas appeler ça un revenu. Il faut faire beaucoup de vues pour gagner de l'argent sur TikTok. Il faut être très exposé. Ce qui permet aux influenceurs de gagner de l’argent, ce sont les collaborations.
« Je pense faire des remplacements après mon internat. J’ai envie de voyager et de prendre du temps pour moi après toutes ces années d’études »
Avez-vous déjà eu des demandes de collaboration ?
J. Oui j'ai déjà reçu des demandes auxquelles je n’ai pas donné suite. Par exemple, Med-Line voulait me payer pour parler de leurs livres. Mais en tant qu’interne, je n’avais aucun intérêt à recevoir dix bouquins qui ne me serviront pas. Aussi, comme je ne suis pas en agence, c'est très facile de se faire arnaquer avec des liens frauduleux. C’est pourquoi je suis assez frileuse à l’idée de faire des collaborations. Par contre, je reçois régulièrement des cadeaux de différentes marques, mais c’est ce qu’on appelle du « gifting » je n’ai aucune obligation d’en faire la promotion, et je ne touche pas d’argent.
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/magazine/69
Où vous voyez-vous dans 10 ans ?
Très honnêtement, je ne sais pas. Tout sera conditionné par ce que l'État nous autorisera à faire. Si la proposition de loi Garot passe, par exemple, ça pourrait tout changer. Je pense que je continuerai d'avoir une activité mixte. J’ai envie d'entreprendre, ne pas être seulement médecin généraliste. Je veux être utile en soignant les gens, mais je peux l’être en entreprenant pour améliorer l’offre de soin.
Peut-être que je ferais encore de la création de contenu. Mais au fond, j’espère surtout fonder ma famille et créer un foyer heureux. Les réseaux sociaux c’est porteur à l'heure actuelle, mais rien n'assure que ça le sera encore dans 20 ans. Sur le court terme, je pense faire des remplacements après mon internat. J’ai envie de voyager et de prendre du temps pour moi après toutes ces années d’études.
A voir aussi

Quatrième année de médecine générale : Les internes rejettent en masse la rémunération à la prime

Trouve ton internat : voici tous les postes ouverts spé par spé, CHU par CHU

Trop peu d'internes au CHU de Nice à la rentrée, le doyen veut traîner l’État en justice
