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Ce produit, interdit depuis 2018 sur le territoire national mais autorisé ailleurs en Europe, est réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale des producteurs étrangers.
Plus de 1,8 million de Français ont déjà signé une pétition sur le site de l'Assemblée nationale demandant le retrait de cette loi. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur le texte d'ici le 10 août.
La loi Duplomb autorise la réintroduction de l'insecticide acétamipride, interdit depuis 2018 en France. Quels sont les risques pour l'être humain ?
Pierre-Michel Périnaud : On peut redouter des troubles du développement de l'enfant, des pertes de QI, des troubles de la parole et de la mémorisation. Potentiellement aujourd'hui, (ce produit) est incriminé également dans les cancers du sein. C'est un toxique supplémentaire parmi tous ceux qui sont aujourd'hui à l'œuvre pour sans doute expliquer le fait qu'en France on a malheureusement le taux de cancer du sein le plus élevé au monde. Et on sait que l'acétamipride franchit la barrière placentaire, et la barrière entre le sang et le cerveau. On l'a retrouvé dans le liquide céphalo-rachidien d'enfants victimes de cancer, à qui on faisait des ponctions lombaires. On sait qu'un produit neurotoxique, c'est prouvé par des études toxicologiques, se retrouve dans le cerveau des gamins. Donc, on pense très sérieusement qu'appliquer le principe de précaution se justifie totalement.
Cette dangerosité est-elle avérée ?
P-M.P : C'est l'Efsa, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui délivre les autorisations de mise sur le marché et qui, donc, examine le dossier remis par l'industriel : c'est lui-même qui a fait les tests. Sur les troubles du neurodéveloppement, elle dit que le job n'est pas fait, c'est-à-dire qu'il y a une seule étude qui est remise à l'Efsa en 2013. C'est tout le paradoxe de l'Efsa : elle peut écrire dans un rapport d'évaluation que le job n'est pas fait, et en même temps autoriser le produit. Donc, les agriculteurs en tirent comme conséquence que le produit n'est pas dangereux puisqu'il est autorisé, alors que depuis 2013, il y a cette alerte sur les troubles du neurodéveloppement.
Y a-t-il des alternatives ?
P-M.P : L'Anses (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation) le dit dans ses rapports depuis 2017, il y a des alterntives, même dans le système conventionnel. Et il y a une autre alternative qui s'appelle l'agriculture biologique. Je crois qu'il faut le répéter avec force parce que c'est la seule façon de répondre aux deux problématiques, c'est-à-dire à la problématique environnementale et à la problématique sanitaire.
La loi Duplomb pose-t-elle d'autres problèmes, selon vous ?
P-M.P : La loi ouvre la boîte de Pandore des produits interdits, (en permettant une) dérogation quand il y a un intérêt économique, ici en faveur d'une filière betterave qui veut se battre à l'exportation vers les pays asiatiques, cela n'est pas de l'agriculture vivrière ni de l'autosuffisance alimentaire. Et en faveur de la production de noisettes pour une firme, qu'on ne citera pas, de pâte à tartiner qui fournit des aliments trop gras pour les gamins. Cela vaut-il de risquer de perturber encore davantage la biodiversité et d'impacter la santé humaine ?
Avec AFP