Lecon de vie

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Ciné week-end: La Dernière Lecon, de P. Pouzadoux (sortie le 4 novembre 2015)

Lecon de vie

"Plutôt que d'en arriver là, je préfère me suicider avant." Qui n'a jamais eu ce fantasme d'échapper à la fin de vie en contrôlant le moment de sa mort? Fantasme d'une jeunesse incapable d'envisager sa propre mortalité, probablement, mais qu'advient-il quand le moment redouté est finalement là? C'est toute la question que pose La Dernière Leçon, film tiré de l'exprience personnelle de la philosophe Noëlle Châtelet, dont la mère, Mireille Jospin, a concrétisé ce choix.

Il y a trois films dans cette Dernière Leçon, ce qui le condamne à être inégal. Le premier retrace l'histoire d'une famille confrontée à la décision de l'un des siens, annoncée clairement, de choisr sa mort. En décidant de faire de ce témoignage une fiction, la réalisatrice a hélas facilement recours à la caricature, et la plupart des scènes servant de liant au véritable sujet est franchement ratée. On croise ainsi l'ado rebelle, le mari bobo, la collègue qui a placé sa mère en maison de retraite, le vieux noblieau éperdument épris de l'éternelle militante etc. Le milieu hospitalier gériatrique, décrit en quelques scènes comme un endroit où tout le monde rêve de passer l 'arme à gauche le plus rapidement possible, n'échappe pas à ce déluge de stéréotypes.

Le deuxième décrit cliniquement les paradoxes sans fin que génère la décision de Madeleine sur les siens. Annoncer sa mort, voire le moment de sa mort, est-ce entendable pour un proche? Ne pas le dire, avec tout ce que cela comporte de solitude, d'enfermement mental, est-il plus envisageable? Soutenir, est-ce accepter? Accompagner, est-ce aider? Refuser, est-ce être tyrannique? Chacun va réagir différemment, et ces questionnements douloureux sont souvent assez bien retranscrits. La dichotomie entre la soeur et le frère est cependant un peu trop appuyée, confirmant que le recours à la fiction s'est malheureusement fait au détriment de la nuance.

Enfin, et c'est finalement ce qu'il ne fallait abolument pas rater, le coeur de La Dernière Leçon repose sur le refus d'une fille de laisser sa mère s'engager seule sur le chemin de la mort. Et c'est l'évolution de cette fille, la proximité retrouvée avec sa mère, l'émotion incroyablement intense qui s'en dégage, qui font que le film réussit à faire passer son message. En refusant une inversion des rôles dans leur relation,la mère et la fille font preuve d'une maturité qui rend incongru tout argumentaire, redonne à cette histoire sa singularité, échappe à la généralisation, bref donne toute sa force à cette dernière leçon. La puissance de jeu de l'extraordinaire Sandrine Bonnaire est telle qu'elle confère au film une profondeur à côté de laquelle, sans elle, il serait probablement passé.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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