Le téléphoné "son"

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Critique de "The Son" de Florian Zeller (sortie le 1er mars 2023). Nicholas inquiète sa mère : à dix-sept ans, il ne se rend plus en cours, se replie sur lui-même et devient hostile envers elle. Il demande à vivre chez son père et sa nouvelle épouse, avec qui il vient d'avoir un deuxième fils. Après une période d'accalmie, les parents se rendent à l'évidence : leur fils ne traverse pas uniquement une mauvaise passe, il est profondément déprimé…

Le téléphoné "son"

Avec son second film, Florian Zeller poursuit son ambition de décrire un état en se débarrassant de la narration. Et échoue cette fois-ci autant qu'il avait jadis réussi. 

Dans "the Father", Florian Zeller avait su utiliser le dispositif cinématographique pour nous faire ressentir la confusion et le désarroi d'une entrée et d'une avancée dans la maladie d'Alzheimer. Le film, porté par la prestation d'un impressionnant Anthony Hopkins, proposait un canevas scénaristique réduit à sa portion congrue, un dispositif théâtral et une galerie de personnages archétypaux qui permettaient de rendre le propos universel et de toucher au plus près d'une vérité clinique. Ce sont un peu les mêmes ficelles qu'il nous ressort avec "the Son", à ceci près qu'il se heurte à deux écueils qui lui portent immensément préjudice. Le premier, c'est qu'il s'agit justement d'une resucée, et que le film souffre terriblement de la comparaison, à son désavantage, avec le précédent. Le second, c'est que si la cinégénie de la confusion mentale pouvait avoir son petit effet perturbant, filmer la dépression est une autre paire de manches.

Ainsi, nonobstant sa mécanique d'égrénement des symptômes de son jeune ado et d'étalonnage des répercussions qui en découlent, Zeller fige son film-catalogue au sein d'un glacis émotionnel qui, au motif probable d'illustrer au plus près le vécu dépressif, est accentué par une accumulation de lieux communs et de décors ternes, un contexte auquel on ne croit jamais et finissant par agir comme un véritable repoussoir. Le titre est ainsi à moitié trompeur, le film étant centré non pas sur un fils dépressif mais sur un père qui est resté un fils, et ce sont les atermoiements et les questionnements existentiels de cet homme en conflit avec son père et avec lui-même, qui ne semble avoir évolué qu'entre les buildings new-yorkais et les ors de Washington DC, avec quand même une petite incursion en Corse, qui génèrent une absence d'empathie, bien plus en tout cas que la souffrance du jeune Nicholas. Reconnaissons également que le jeu limité d'Hugh Jackman n'est pas de nature à sublimer ce personnage déjà bien terne et dont la grandeur d’âme se limite à abandonner l’équipe de campagne présidentielle à laquelle il était promis…

Il faudra bien dire un mot sur la fin, puisque c'est ce seul enjeu dont Zeller dispose pour ne pas faire reposer l'intégralité de son film sur de la torpeur. S'ajoute ainsi, à la volonté affichée de transposer cinématographiquement l'état dépressif, celle d'y insuffler un suspense, procédé un peu obscène quand il s'agit de se demander si l'ado va s'en sortir, et si non qui il finira par tuer. "The Son" se conclut d'ailleurs sur un ultime artifice d'autant plus étrange qu'il est totalement inutile, tant le message véhiculé par le psychiatre - car oui, il y a des psychiatres, et ils s'en sortent quand même assez bien - se suffisait à lui-même : le seul amour ne saurait constituer un remède à la dépression. 

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