Le retour de la Mommy

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Le retour de la Mommy

Non, le titre de la rubrique n'est pas une allusion à l'âge vénérable de Deneuve, mais bien une référence au film de X. Dolan, présenté à Cannes voilà pile un an, et dont l'ombre plane sur ce film lui-même ultra-référencé. Bien qu'honorable et souvent juste, notamment lors des impressionnantes scènes de violence, le travail d'E. Bercot est hélas phagocyté par deux de ses prédecesseurs - Dolan donc, mais aussi Maïwenn - aussi borderline qu'elle-même semble méticuleuse. Et en plus elle n'y est pour rien, ce qui en rajoute à l'injustice. Eh oui, en art au moins la justice penche pour les désaxés!

Mommy traitait donc de la violence juvénile sous un angle enfiévré et par moments poétique, alors que Polisse auscultait de façon tout aussi passionnée, mais avec de faux airs de documentaire, la vie d'une brigade pour mineurs. La Tête Haute représente une somme d'un peu tous ces éléments, forcément plus fade puisque moins hystérisée, avec parfois un mimétisme troublant (l'engin de BTP français succède ainsi au caddie canadien).

L'on pourrait objecter que la démarche de Bercot est plus distanciée, plus sociologique, se démarquant ainsi de ses augustes prédecesseurs. Et l'on aurait en apparence raison. Particulièrement si l'on ne regarde que la première moitié du film, qui dissèque avec tranchant et sans artifice les étapes de la rencontre entre Malony et des institutions sous l'angle de la procédure, ses rituels, sa cérémonie, son langage, ses symboles. Cette première moitié est la plus réussie, puisque de cette simple accumulation de détails naît et se ramifie une intrigue qui se suffit à elle-même. Le document crée la fiction, en l'impactant.

Hélas, le film ne tient pas ses promesses, non aidé par une longueur inutile, mais surtout plombé par ses choix scénaristiques dès lors qu'il s'égare dans le mélo. Alors qu'il se voulait un éloge du cadre - ce qui était en soi gonflé - il évolue, jusqu'au malaise, vers une fascination pour son personnage principal, au point d'oser un final grandiloquent, et pour le coup écrasé de symboles, dans lequel le héros semble s'affranchir de la justice, auréolé d'une paternité acquise par la violence physique et psychologique. En cela, Dolan était plus surprenant puisqu'après avoir dézingué toutes limites pendant deux heures et demie il en montrait, par un renversement final, l'absolue nécessité.

A l'image de l'éducateur, la réalisatrice semble avoir perdu la boule, ou du moins ses repères, attirée sans doute par le magnétisme hallucinant de son acteur, Rod Paradot, dont l'apparition dans le paysage cinématographique relève du tsunami. Choix révélateur s'il en est, puisque la personnalité psychopatique est dès lors condamnée à être abordée sous l'angle de la séduction, qui c'est bien connu finit mal en général. En tout cas cette fois-ci.

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