Le débat est Close

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Critique de "Close", de Lukas Dhont (sortie le 1er novembre 2022)

Le débat est Close

Léo et Rémi sont inséparables. Leur entrée au collège va s'accompagner d'une remise en question, par leurs camarades de classe, de la nature de leur lien. Et compromettre leur amitié fusionnelle... Un drame alourdi par la délicatesse de sa démarche, jusqu'au malaise.

Il est des films qui ne nous emballent pas vraiment, sans pour autant qu'on les rejette. Des films qui pourraient laisser tiède, si le contenu n'était si brûlant. Et qui donc finissent par poser question. Pourquoi ne pas être plus touché que ça par la délicatesse de ce cinéaste débutant et déjà reconnu? Par sa capacité à filmer l'émotion, à suggérer, à être dans la retenue là où il serait si tentant, et si risqué, de montrer en force? Après quelques jours de réflexion, voici quelques éléments de réponse. Ce qui n'est pas facile tant le film est bâti sur un moment de rupture qu'il est plus que difficile de ne pas spoiler. Et c'est peut-être la première critique : Close semble tant construit autour de cette bascule que celle-ci finit par être un enjeu émotionnel envahissant, faisant ressortir l'aspect scolaire du scénario et empêchant la deuxième partie du film de s'ouvrir vers autre chose, de suivre les pistes empruntées jusqu'alors. La répétition de scènes champêtres et sportives signe l’échec de la narration. 

Perceptible dans Girl, son premier film déjà tout en sensibilité, la veine sulpicienne de Dhont se confirme avec ce pré-teen movie. Comme si ses thématiques autour de la différence et de l'exclusion semblaient vouées à être abordées sous l'angle le plus dramatique qui soit, ses héros embarqués jusqu'à un extrême qui, parce qu'il est si peu contextualisé, et dans ce cas-ci totalement asséné, passerait pour une conséquence logique. Car le sujet dont il est finalement question, et autour duquel tourne Dhont en permanence, est tellement associé à la masculinité sociétale toxique qu'il veut dénoncer que celle-ci devient l'alpha et l'omega du vécu de Léo comme de Rémi, la cause unique du désespoir de l'un et de la culpabilité de l'autre. C'est oublier la dimension multifactorielle, la complexité voire le mystère de ces processus psychiques. 

Dhont est souvent comparé à Xavier Dolan, probablement de par sa précocité ainsi que de par le langage avant tout émotionnel de son cinéma. Pourtant, les films du canadien sont autant bavards, souvent jusqu'à la saturation, que ceux du jeune flamand fonctionnent, sur ce plan, à l'économie. Le silence fait plus qu'occuper l'espace, il le remplit jusqu'à en être un élément essentiel, et réducteur. Ceci ajoute au caractère sacré de la deuxième part de l'oeuvre, à la fois tabou et empesé. Mais cela devient gênant tant il semble épouser, presque illustrer, la vague à l'oeuvre dans les courants psychothérapiques actuels. Où il s'agirait, même lors des drames les plus profonds, de se désencombrer de la parole, cet accessoire. Où l'évolution voire la guérison passeraient avant tout par la confrontation à l'émotion.

Ainsi, dans l'une des scènes du film, une séance de debriefing invite chaque enfant à exposer son ressenti sans que jamais celui-ci ne soit accompagné ou même repris par la parole de l'adulte, donnant l'impression que chacun est laissé à la merci de son vécu. Mais, surtout, la dernière scène accrédite l'idée qu'un moment cathartique, totalement silencieux, ne passant que par la communion émotionnelle entre deux êtres, dont on ne saura rien puisque rien n'est jamais dit ni discuté, suffirait à résoudre un traumatisme et à reprendre le chemin de sa vie. Cela ajoute à la gêne de voir simplifiée et caricaturée, par deux fois, la psychopathologie.

 

 

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