L'amour ensuite

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Ciné week-end : Théo et Hugo dans le même bateau, de O. Ducastel et J. Martineau (sortie le 27 avril 2016)

L'amour ensuite

L'amour au temps du sida : après une rencontre fulgurante dans un sex-club, deux gays vivent un moment de grâce et d'euphorie à l'heure où Paris s'éveille, mais sont vite rattrapés par l'inquiétude et le sida, spectre menaçant pour l'un, réalité quotidienne pour l'autre... 

Bientôt vingt ans qu'Olivier Ducastel et Jacques Martineau explorent les bouleversements que le désir - souvent contrarié - et la séropositivité entraînent sur les rapports entre les êtres, homosexuels mais pas seulement (cf. Jeanne et le garçon formidable, leur premier long). Avec toujours une démarche profondément humaine de dédramatisation, de déstigmatisation de malades qui commençaient tout juste à entrevoir l'espoir de ne pas mourir du sida. Puis à accepter qu'on pouvait vivre avec. 

Qu'en est-il aujourd'hui, au temps d'une maladie qui, malgré les apparences, conserve son potentiel de clivage entre d'une part son image sociale encore honteuse et culpabilisante et de l'autre la vision, chez certains gays, d'une maladie chronique presque banale? C'est tout l'objet du film, qui cherche à réactualiser la lecture des rapports sexuels mais surtout amoureux avec ces nouvelles données. 

Il est injuste de réduire Théo et Hugo à un long clip de prévention du sida et de promotion du traitement prophylactique post-exposition, en ces temps de résurgence de certaines MST. Car pour narrer la force de cet amour né sous le signe du risque et de l'incertitude, les réalisateurs se placent sous l'égide de Jean Genet et de Fassbinder grâce à une première partie impressionnante de cinématographie pour ensuite dériver vers une déambulation presque onirique, mêlée du ravissement et de la peur dont sont faits les rêves, dans un Paris quasi-désert. Même les urgences, emplies d'un calme presque suspect, semblent irréelles ! 

On ne peut s'empêcher de confronter cette plongée dans un Paris nocturne à son histoire récente, les bruits et la fureur de novembre ayant laissé la place à un silence mortifère. Voir un jeune séropositif lancer à la face d'un monde vacillant que lui et son partenaire ont créé de l'amour donne une dimension supplémentaire, prophétique et provocante d'optimisme, à ce très beau film.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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