La cigarette, le cinéma et les jeunes : Une histoire d’influence

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C’est la journée mondiale sans tabac. À cette occasion, la Ligue contre le cancer publie une enquête sur l’omniprésence du tabac dans le cinéma français et l’influence de cette banalisation sur la consommation des jeunes générations.

La cigarette, le cinéma et les jeunes : Une histoire d’influence

La cigarette est sous les feux des projecteurs. Quelques jours avant la Journée mondiale sans tabac, la Ligue Contre le Cancer - en collaboration avec Ipsos - a publié une double-enquête attestant de la surreprésentation de la cigarette dans le cinéma français et l’influence que cela peut avoir sur les jeunes générations. « Au-delà de la présence toujours très forte du tabac dans les films, la Ligue s'inquiète de la tonalité globalement positive autour de sa consommation (…), susceptible d'influencer le jeune public », écrit la Ligue dans un communiqué de presse

Ce n’est pas la première fois que la célèbre institution s’attarde sur la place du tabac dans le cinéma français. Mais la troisième en seize ans ! « Nous savons que le cinéma est un vecteur important pour les politiques de marketing d’initiation au comportement, explique Emmanuel Ricard, délégué au service de prévention et promotion du dépistage de la Ligue. Autrefois, la stratégie était de présenter la cigarette comme quelque chose de fun. Désormais, elle tente d’inscrire le tabagisme dans un mode de vie. » Un constat réitéré après que l’Institution, aidée d'Ipsos, ait visionné plus de 150 films français sur la période de 2015 à 2019.

Un travail d’envergure qui a permis d’attester de la surreprésentation de la consommation de tabac dans le cinéma français. « Entre 2015 et 2019, 90,7% comprennent au moins un événement, un objet ou un discours en rapport avec le tabac : personnes en train de fumer, présence de cendriers, cigarettes, personnage qui parle de tabac…. », détaille la Ligue, qui souligne que le tabac est présent en moyenne 2,6 minutes à l’écran par film. « Si, depuis la Loi Evin, la publicité, la promotion et le sponsoring pour le tabac sont interdits, les industriels et lobby du tabac ont vite trouvé des façons détournées de montrer leurs produits dans les films et séries grand public », juge la Ligue. Une omniprésence qui s’assimile à de la banalisation capable d’influer sur un jeune public, en pleine construction. « L’industrie du tabac a besoin de 200 000 nouveaux consommateurs par an pour préserver ses profits, analyse Emmanuel Ricard. L’objectif de cette surreprésentation du tabac à l’écran est d’accrocher ou de raccrocher les personnes »

Un tour de passe-passe qui semble fonctionner sur les jeunes générations. « 58% des jeunes interrogés début 2021 pensent que la présence de tabac à l'écran peut inciter à fumer », note la Ligue. « Plus vous allez voir quelqu’un fumer, plus votre système de récompense va avoir envie de reproduire le plaisir que vous voyez et que vous avez inscrit dans votre schéma de récompense », explique le délégué à la prévention de la Ligue qui a rejoint la Ligue en 2010. Une exposition savamment orchestrée par les lobbies du tabac, selon la Ligue, qui serait responsable « à 37% de l'initiation au tabagisme des adolescents ». « Modifier le comportement tabagique est possible ! Le nombre de jeunes fumeurs serait réduit de 18 % si la présence du tabac était réglementée dans les films », insiste la Ligue.

Si le tabac est privé de publicité, rien n’est en effet prévu pour la production cinématographique. « Il n’y pas de réglementation à l’écran », assure Emmanuel Ricard. Un vide juridique incohérent par rapport aux politiques de préventions françaises que la Ligue espère voir rapidement combler. « L’une des recommandations de l’OMS est de développer une politique contre ce placement de produits en essayant d’interdire les films à certaines tranches d’âge. C’est éventuellement une piste », explique celui qui déplore que la tendance observée au cours des trois éditions de cette enquête soit la constance. « L’omniprésence de la cigarette au cinéma n’a pas bougé. Cela, malgré ce qu’on pourrait penser de l’évolution de la société française », confie-t-il.

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