La cécité de la joie

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Ciné week-end : Vers la lumière, de N. Kawase (sortie le 10 janvier 2013)

La cécité de la joie

Un photographe qui va perdre la vue, une audiodescriptrice qui a perdu son père, sa mère qui perd la mémoire, un film dans le film sur le même thème... Quand la sensibilité de Naomi Kawase lorgne dangereusement vers la sensiblerie...

Voici venue la dernière fournée de films cannois, et franchement l'on comprend mieux pourquoi les jurés ont dû s'arracher les cheveux pour tenter de composer un palmarès décent. Le dernier Naomi Kawase est l'exemple type de l'habitué cannois qui cette fois-ci déçoit (après, entre autres, Coppola, Lánthimos ou bien évidemment Ozon). Ses films, confidentiels ou ayant acquis une belle popularité, ont en commun d'être parcourus d'une extrême sensibilité. Cela semble bien être le cas avec cette histoire d'amour débutant dans le milieu de l'audiodescription, dont on découvre avec curiosité des enjeux insoupçonnés - elle y livre une belle réflexion sur le pouvoir du langage sur l'imaginaire.

Pourtant, le film s'enlise vite. Les personnages sont trop caricaturaux pour que l'on s'attache à eux, qu'il s'agisse de Misako, l'audiodescriptrice que l'actrice relègue trop souvent à une mièvrerie gênante, ou de Nakamori, l'artiste exigeant et atrabilaire dont elle va gagner le coeur. Curieusement, alors que le propos de Kawase porte justement sur les risques, dans l'audiodescription, d'amputer l'accès à un imaginaire pourtant particulièrement foisonnant chez les non-voyants, elle tombe progressivement dans le piège de la surenchère symbolique et métaphorique. Ainsi, Misako ne se remettant pas de la mort de son père, elle ne peut que tomber amoureuse de cet homme ayant le double de son âge, et ainsi arrêter de chercher la lumière partout !

Cerise sur le gâteau, ce film dans le film que Misako et Nakamori commentent inlassablement - enfin, dont eux seuls semblent ne pas se lasser - est particulièrement, voire comiquement mauvais. Se frotter si maladroitement à un procédé de mise en abîme rendu célèbre par Godard ou Truffaut rajoute à la faiblesse de l'histoire, de la narration et de la thématique de l'oeuvre. Comme un mauvais Lelouch, en somme...

Source:

Guillaume de la Chapelle

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