Internes en série : ne manquez pas Hippocrate et HP

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Deux séries 100 % médicales et 100 % frenchies débarquent sur nos écrans. Avec en commun une intelligence et une volonté d’aborder le sujet de façon très « pro ». Les deux séries autopsient sur plusieurs épisodes une erreur médicale. Au centre du dispositif : la figure de l’interne. Comme si, avec le médecin débutant, se cristallisaient les enjeux de la crise de notre système actuel.
 

Internes en série : ne manquez pas Hippocrate et HP

L’HISTOIRE

De jeunes « premier semestre » se collent à la dure réalité de leur métier, et leurs aînés ne leur facilitent pas la tâche ! Dans Hippocrate, Alyson et Hugo débarquent dans un service de médecine interne où les seniors ont déserté, la faute à un pathogène inconnu ayant provoqué une quarantaine et une belle panique administrative. Ils font face à Chloé, une interne en fin de cursus baroudeuse et control freak. Bientôt rejoints par un FFI albanais « prêté » par la médecine légale – ! –, ils vont devoir faire tourner le service comme des grands…
 
Comme le nom de la série l’indique, c’est dans un HP que Sheila débute sa formation. Et, contrairement à ses collègues d’Hippocrate, c’est plutôt un excès d’encadrement qui lui complique la vie. Entre un collègue désinvolte et provoc’, une senior intransigeante et un patron doux dingue, elle ne peut pas prescrire la moindre injection de Loxapac® ! Dans les deux cas, nos impétrants vont devoir gérer des situations qui les dépassent. Comme dans la vie, mais en pire : quand aucun interlocuteur ne semble capable ou disponible pour vous apprendre ce qui ne s’apprend pas à la fac, quand un système à la dérive oublie l’impératif de formation et de sécurisation des parcours, et surtout quand une loi du silence implicite règne à tous les niveaux, difficile d’éviter les drames…
 
LES ENJEUX
 
Dans Hippocrate, Lilti déploie de façon encore plus fouillée et passionnante sa réflexion au coeur du film : la responsabilité déraisonnable demandée, voire imposée à de jeunes professionnels, le plus souvent dans le déni de l’anormalité de la situation, tant leur abnégation, leur exigence et leur habitude à subir sans broncher sont installées depuis le début de leur cursus – voire font partie de leur personnalité ! –. Avec le personnage complexe de Chloé, jouée par une Louise Bourgoin impressionnante, il va encore plus loin et s’interroge sur le degré d’impunité accordé à des médecins sans garde-fou. Ainsi que sur la tradition de solidarité et de bienveillance qui n’est jamais loin de la tentation de ne rien voir, dire ou faire. Comme d’habitude, c’est passionnant. Dans HP, l’objectif est avant tout de décrire ce qui se cache derrière les murs d’un univers qui fait peur.
 
En se servant habilement des fantasmes et croyances concernant la « grande » psychiatrie, les auteurs font oeuvre de pédagogie et permettent vraiment de dédramatiser tout autant la maladie psychique que sa prise en charge. Mais, de façon plus masquée que Lilti, ils nous alertent également sur la difficulté à identifier la souffrance, voire la pathologie psychique dont peuvent être victimes, peut-être de façon encore plus fréquente, les soignants.
 
LA CRÉDIBILITÉ
 
Zéro faute chez Lilti. Bien sûr, la nécessité de narration donne parfois l’impression d’un too much, mais on se retrouve facilement dans les guéguerres entre services, ambiances de salles de garde, aberrations administratives et surtout dilemmes moraux. Et l’on prend conscience que la nécessité constante d’éviter la catastrophe, accrue par la demande implicite de pallier les défauts grandissants d’un système vieillissant qui refuse de se réformer autrement qu’économiquement, est la raison principale de la souffrance actuelle des soignants.
 
Si HP permet de rendre la psy sympathique, la rigueur est moins de mise. Certes, la vraisemblance n’est pas un impératif, encore moins dans une série burlesque. Mais tout de même : entre les sismos réalisées en urgence au milieu de la nuit ou les TS médicamenteuses qu’on laisse comater pépouze dans le service sans surveillance, le professionnalisme de cette spécialité – qui en manque cruellement dans les représentations – n’en sort pas grandi. Quant à l’absurdité réductrice et pétrie de psychanalyse de certaines situations - du sens caché du délire maniaque au psychodrame sauvage imposé à l'ensemble des patients du service - on se demande quel en est le but : infirmer les clichés… ou cautionner une sorte d’artisanat très éloignée de la rigueur médicale, et qui ferait peut-être la spécificité de cette discipline ? Difficile de trancher.
 
LA QUALITÉ
 
Le haut de gamme ! Ce qui ne peut que faire plaisir. Le soin accordé à la réalisation, jusqu’au générique, mais surtout la richesse des histoires sont les preuves de cette heureuse surprise : la médecine intéresse enfin la fiction française !
 

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