Haines de ménage

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Ciné week-end : Love Hunters, de B. Young (sortie le 12 juillet 2017)

Haines de ménage

Perth, Australie, 1987. Vicki, jeune lycéenne marquée par la séparation récente de ses parents, tombe dans le piège d'un couple de tueurs en série. Les dissensions qui traversent le couple lui donnent un espoir de survie... Le tour de force du réalisateur de ce film oppressant est de nous laisser captifs, voire captivés, du début à la fin malgré un dégoût difficilement soutenable. Et nous confronte à l'inutilité de comprendre la perversité meurtrière...

Chez What's up, on aime l'audace! Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Ben Young, qui réalise ici son premier film, n'en manque pas. On peut s'interroger sur ses motivations à décrire un fait divers aussi sordide, survenu il y a 30 ans, mais on est forcé de reconnaître le talent du bonhomme. Bien que sa mise en scène soit au cordeau, Love Hunters dépasse en effet le simple exercice de style, ce qui, si tel n'avait pas été le cas, aurait rendu le film difficilement défendable. 

S'interroger sur le sens de ce film, sur les volontés de son réalisateur, c'est déjà entrer dans le système pervers qu'il décrit. Pénétrer dans cette antre où est tapie la monstruosité. De l'autre côté du miroir de l'humanité. Là où se terrent les Dutroux ou les Fourniret, à qui ce couple meurtrier fait inévitablement penser. Avec l'impression d'assister à l'immontrable, de franchir de façon très tangible les frontières de ce que notre altruisme peut supporter. Comme s'il fallait forcément une part de fascination pour accepter de s'intéresser à leurs actes, mais comme si Ben Young nous en montrait dans le même temps les limites. En ces temps où l'exhibition est un phénomène omniprésent dont toute dimension morale semble avoir été évacuée, c'est déjà très fort.

Car rien, dans ce film, n'est montré gratuitement. Et beaucoup est ôté à notre regard. Ben Young s'attarde avant tout sur les motivations de ses personnages: celles de Vicki et de sa mère son assez évidentes, elles constituent la part "rassurante" du récit, celle qui nous donne la force de ne pas sortir de la salle et l'envie, parfois à notre corps défendant, de connaître le dénouement; mais aussi celles, forcément obscures, d'Evelyn et John, ce couple dont la dépendance ne semble plus tenir que par leur jouissance commune.

Ben Young a également l'intelligence de ne pas trop s'attarder sur la figure de John et de se focaliser sur Evelyn, parvenant à faire cohabiter en nous la certitude de sa monstruosité absolue et le trouble régulier de la voir parfois si humaine. En ne révélant pas la nature exacte de leur union - Evelyn a-t-elle été la première victime de John? leur perversité s'est-elle coconstruite? - il nous suggère qu'il est inutile de chercher à donner un sens à tout cela. Et, en montrant en miroir la destinée de ces deux mères cherchant à retrouver leur(s) enfant(s), il illustre parfaitement que, bien que chacun puisse être manipulé ou manipulateur à certains moments de sa vie, et que l'humanité puisse y subsister telle un fantôme, la criminalité perverse constitue un chemin sans retour.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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