Guatemala educación

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Critique de "Tremblements", de Jayro Bustamante (sortie le 1er mai 2019). 

Guatemala educación

Guatemala, de nos jours (eh oui...). Pablo, marié et père de famille de la haute bourgeoisie, veut vivre son homosexualité au grand jour. Mais sa femme, sa famille, l'Eglise et la société toute entière ne l’entendent pas de cette oreille. Et vont tout faire pour le ramener dans le "droit" chemin... Un film glaçant pour ceux qui croient que le passé ne se recycle pas, et pour ne pas oublier que dans certains endroits du globe, le passé c'est maintenant...

Pour ceux qui n'en peuvent plus d'attendre la troisième saison de The Handmaid's Tale, le dernier film de Jayro Bustamante est un bon moyen d'attendre sans trop ronger son frein. Comme la série phénomène, le film nous offre la description d'une société mortifère étouffée sous le poids d'une religion chrétienne traditionaliste et intégriste, au sein de laquelle le maintien de la norme constitue la principale obsession, jusqu'au délire. Un détail, tout de même : si Tremblements a toutes les apparences de la dystopie, il se passe de nos jours. 

Bustamante filme avec une image légèrement poisseuse et sous un climat constamment gris un individu et une société sur le fil, pris au piège d'un supposé Dieu sévère et vengeur, toujours entre deux plaies d'Egypte teintées d'Apocalypse. La scène introductive ne fait d'ailleurs pas dans la dentelle : on assiste à l'expulsion manu militari d'un homme de son propre foyer par sa propre famille ; les regards sont contrits, navrés ou gênés, l'épouse semble absente, lui se débat et tente de faire entendre sa voix mais l'on sent instantanément qu'elle aura beau porter, sa parole restera stérile. Et puis le tremblement de terre, métaphore grossière qui recèle en elle-même son absurdité: Dieu éructe, Dieu n'est pas content. Nous ne sommes pas chez les talibans mais dans une demeure cossue, imitation manoir anglais. D'emblée, le piège est installé.

La suite de ce calvaire d'un homme empêché de vivre son homosexualité, même cachée, par toute une société, n'offrira que peu de répit. Déjà parce que la caricature, au départ grinçante, se fait inquiétante. La religion y est montrée sans aucun accès au second degré, tel un délire en réseau, et le personnage de Pablo a beau se débattre, on le sait perdu : l'acteur, une révélation, nous le montre au moyen d'un faciès d'une dépressivité rarement exprimée avec une telle intensité au cinéma. Ce pourrait être comique, si ce délire offrait l’espace à la moindre critique. Le seul moment qui permet de prendre du champ par rapport à cette bigoterie sadique n'en est que plus terrifiant : quand la gourelle de la congrégation tente de convaincre l'amant de Pablo de renoncer à entrer en guerre contre la foi de tout un pays, elle dévoile un cynisme à côté duquel le jésuitisme est un angélisme.

Tremblements dépasse le portrait d'un homme supplicié. Bien qu'intéressant, le personnage de Pablo l'est encore plus quand il révèle les réactions des gens qui l'entourent. Aucun n'est laissé de côté, et leur complexité n'est jamais sacrifiée à l'efficacité du récit - on pense notamment aux deux enfants du couple. La fable horrifique glisse vers l’etude psychologique, avant de bifurquer dans sa dernière ligne droite vers une succession de scènes-choc qui achèvent de nous laisser KO debout. Implacable. Et, hélas, bien actuelle...

 

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